El Dret comú i Catalunya. Actes del IV Simposi Internacional 27-28 de maig de 1994. Estudis Fundació Noguera, t. 9, Barcelona, 1995, 376 p. El dret comú i Catalunya. Actes del V Simposi Internacional 26-27 de maig de 1995. Estudis Fundació Noguera, t. 11, Barcelona, 1996, 609 p.

Les colloques organisés par la Faculté de droit de l'Université de Barcelone et publiés sous l'égide de la Fondation Noguera tentent chaque année de cerner les rapports entre le droit commun et la coutume, ainsi que leur influence réciproque sur la formation du droit en général et plus particulièrement sur celui de la péninsule ibérique et de la Catalogne.
Le droit commun européen - jus commune - tel qu'il a été élaboré par les docteurs médiévaux de l'un et l'autre droit est ainsi confronté au jus proprium, droit statutaire ou coutumier, dans une perspective comparatiste et qui s'attache surtout à montrer précisément, au-delà des affirmations générales relatives au droit écrit et au droit coutumier, comment concepts et règles juridiques se sont formés. P. Costa expose cette problématique dans sa communication intitulée "Ius commune. Ius proprium. Interpretatio doctorum".
Des diverses communications présentées dans ces deux volumes, toutes n'ont pas trait au droit canonique. Ainsi la très savante étude faite par A. Iglesias Ferreiros des coutumes maritimes (Costums de mar) ou l'originale intervention de J.-P. Poly sur "Les aïeux du jeune Ottar. Coutume, succession et mémoire généalogique dans la Scandinavie de l'an mil". La plupart des études s'intéressent donc au phénomène coutumier dans ses rapports avec le droit commun. A. Gouron examine ainsi "Le fondement de la coutume chez les civilistes avant Azon" et la création médiévale du concept de jus consuetudinarium, inconnu du droit romain, analyse prolongée par A. Campelli qui étudie la théorie de la coutume dans la Glose d'Accurse. Cela pose la question de l'existence d'un ordre normatif et des relations de la coutume et de la loi, thème abordé à travers divers aspects du droit. Par E. Gacto, qui s'intéresse aux leges dans le Décret de Gratien, par G. Giordanengo, à travers le droit féodal, A. I. Ferreiros, pour la Catalogne du haut Moyen Age, A. Romano dans les œuvres des juristes siciliens des XIIIe-XVe siècles, tandis que F. L. Pacheco brosse une grande fresque de ces questions pour l'ensemble de la péninsule ibérique depuis le bas Moyen Âge jusqu'à l'époque moderne.
De façon plus spécifique, J. Poumarède montre quels ont été les rapports de la coutume de Toulouse avec les droits savants. À propos du droit familial, il expose les emprunts faits au droit romain, mais aussi comment l'article 124 de la coutume de la ville, par exemple, a maintenu des dispositions contraires à ce droit, en attribuant les biens du mort intestat au père ou à la branche paternelle et à l'exclusion de la mère et de la branche maternelle. Plus proche peut-être des intérêts des canonistes, la contribution de E. Gacto relative à la coutume dans le droit de l'Inquisition prouve aussi, très classiquement, comment la coutume a joué praeter legem, secundum legem et contra legem. Ainsi, dans ce dernier cas, alors que le droit romain et des dispositions canoniques prévoyaient la peine du talion pour les accusateurs de mauvaise foi, l'auteur démontre comment, selon F. Pena, talio per consuetudinem iam diu abolita est.
Ces quelques lignes n'épuisent pas le grand intérêt de ces très riches ouvrages, qui tentent de montrer ce que fut et ce que pourrait être le syncrétisme juridique, grâce à des communications d'auteurs venus d'horizons variés et dont les échanges et débats - c'est aussi un intérêt de cette collection - sont intégralement publiés.

Guillaume LEYTE

Jean IMBERT, Les Temps carolingiens (741-891). L'Église : les institutions. Préface de Jean Gaudemet. Paris, 1994, in-8°, 253 p. (Histoire du droit et des institutions de l'Église en Occident, dir. par G. Le Bras (†) et J. Gaudemet, t. V, 1).

La tâche qui incombait à Jean Imbert, membre de l'Institut, n'était pas aisée : donner un aperçu sur le droit et les institutions de l'Église à l'époque carolingienne. Tout historien du droit canonique sait combien il est difficile de démêler les divers aspects de la vie de l'Église à une période, comme l'est celle des temps carolingiens, où les représentants des deux sociétés, la civile et la religieuse, le pouvoir politique et l'amorce d'un réel pouvoir ecclésiastique, sont étroitement liés et tiennent à tour de rôle le dessus ; à cela s'ajoute la parcimonie des sources, qui ne facilite pas le travail du chercheur. Mais l'intérêt d'une étude approfondie de cette période n'échappait à personne ; le canoniste ne se sentait pas à l'aise quand il devait aborder cette tranche de l'histoire du droit et des institutions de l'Église. De façon heureuse, Jean Imbert comble cette lacune dans la collection inaugurée par Gabriel Le Bras en 1955 avec la publication des Prolégomènes et continuée depuis la mort du Maître en 1970, avec la fidélité du disciple, par Jean Gaudemet.
Jean Imbert nous livre dans ce volume la première tranche de sa recherche ; la suite fera l'objet d'un second volume. Le présent travail est essentiellement consacré aux problèmes de l'organisation interne de l'Église et aux relations de l'Église avec le pouvoir civil. Le volume suivant offrira le tableau de la vie religieuse de l'époque et retracera l'influence de l'Église sur les individus et leur famille, leur foi et leur pratique cultuelle, leur morale individuelle et sociale.
Les limites chronologiques retenues sont 741 et 891 : la période commence avec la mort de Charles Martel (741) et se termine avec l'effondrement de l'Empire et de la papauté (891). L'auteur fait appel à une documentation très large : sources juridiques proprement dites (canons conciliaires, capitulaires de Charlemagne, actes pontificaux, actes épiscopaux) ; collections canoniques (collections anciennes et de l'époque carolingienne, pénitentiels, œuvres des faussaires) ; sources narratives (récits contemporains, correspondances, traités). La matière est répartie en deux parties : la première partie traite, comme cela a déjà été dit, de l'organisation interne de l'Église et la seconde des relations entre la Cité et l'Église.
De ce riche travail nous nous contenterons de relever quelques éléments par ci et par là. Ainsi, à propos du statut des laïcs et notamment du baptême, qui opère l'entrée dans le peuple de Dieu, il est intéressant de noter que pendant la période carolingienne il semble bien que les jeunes baptisés reçoivent la communion, comme cela se faisait aux premiers siècles et comme cela se pratique encore à l'heure actuelle dans les Églises orientales ; en revanche, la dissociation des cérémonies du baptême et de la confirmation est bien réalisée, contrairement à la pratique qui se perpétue en Orient. Quant à la communion, qui est dispensée sous les deux espèces, la pratique est variable : une grande partie de la population communie trois fois par an (Noël, Pâques, Pentecôte), rares sont ceux qui communient chaque dimanche, certains ne communient pas du tout. Diverses fautes graves entraînent l'exclusion, qui selon la gravité de la faute consiste en la séparation du Corps du Christ ou en la simple séparation de la société des frères, la première étant qualifiée d'anathème et la seconde d'excommunication, bien que la portée exacte des deux termes prête encore à hésitation jusqu'à la moitié du IXe siècle. Le statut des clercs fournit à l'auteur l'occasion de montrer qu'en de nombreux cas la règle était loin d'être observée. L'élection du pape est réservée aux Romains, mais dans des conditions assez imprécises qui favorisent aisément les abus. Les évêques sont élus en principe par le clergé et le peuple ; en fait, les souverains carolingiens ne se privent pas de nommer directement leur candidat ou de le faire élire. Le célibat et la continence cléricale ne sont guère observés dans la pratique. Les moines tiennent une place importante dans l'Église ; les monastères sont très nombreux : on en compte plus de six cents au début du IXe siècle.
Sur le plan des relations entre le pouvoir laïc et la société des clercs, on constate une curieuse évolution, dans laquelle on peut distinguer schématiquement trois étapes : sous Charlemagne (771-814), le souverain domine l'Église, tout se déclarant et en se faisant son défenseur ; à partir de Louis le Pieux (814-840) l'Église, en la personne des évêques, prend le dessus, en se permettant de juger le souverain ; les papes Nicolas Ier (858-867) et Jean VIII (872-882) posent les premiers jalons de la "théocratie pontificale". Rien n'indique mieux la place prise par Charlemagne dans l'Église que la manière dont les évêques et les abbés terminent leurs délibérations à certains conciles, notamment au concile d'Arles (mai 813) : "Voilà les articles que nous avons rédigés ; nous décidons qu'ils seront présentés au Seigneur Empereur, afin que sa sagesse ajoute ce qui y manque, corrige ce qui est contre la raison, et que ce qu'elle y reconnaîtra de bon, elle le promulgue et le rende exécutoire". Par ailleurs on connaît le mérite qui revient à l'action de Charlemagne dans le domaine de la culture. On parle, à juste titre, d'une véritable "résurrection intellectuelle" ; il faut reconnaître que cette résurrection a été opérée pour et par l'Église, dont un des principaux acteurs, parmi bien d'autres, a été Alcuin, qui résidait à l'abbaye de Saint-Martin de Tours, quand il n'était pas au palais.
Ces quelques indications ne donnent qu'une très faible idée de la richesse et de la variété d'information que le canoniste et tout historien intéressée à la civilisation du haut moyen âge trouve dans l'ouvrage de Jean Imbert. Nous formulons le vœu qu'il nous livre sans tarder le second volume.

René Metz

Jean IMBERT, Les Temps carolingiens (741-891). L'Église : la vie des fidèles, Paris, Éd. Cujas, 1996, in-8°, 271 p. ("Histoire du droit et des institutions de l'Église en Occident", dir. G. Le Bras (†) et J. Gaudemet, t. V, 2).

En 1994, Jean Imbert, membre de l'Institut, publiait le premier volume d'une étude consacrée au droit et aux institutions de l'Église à l'époque carolingienne ; cette étude fait partie de la grande collection, inaugurée en 1955 par Gabriel Le Bras (†) et continuée depuis 1970 par Jean Gaudemet. Nous avons dit tout l'intérêt que présentait le travail pour l'histoire du droit canonique et aussi les difficultés que comportait la mise au point d'une telle étude (voir RDC, 55, 1995, p. 175-177). Le second volume, qui n'a pas tardé à paraître, répond à l'attente du lecteur ; il ne cède en rien à la précédente tranche de la publication par la richesse et la variété de l'information.
Le premier volume traitait essentiellement des problèmes relatifs à l'organisation de l'Église et aux relations de l'Église avec le pouvoir civil. Dans le présent volume, l'auteur s'efforce de donner un tableau de la vie religieuse à l'époque ; à cette fin, il s'intéresse à l'influence de l'Église sur les individus et la famille, à son impact en ce qui concerne la foi, la pratique cultuelle, la morale individuelle et sociale. On imagine la difficulté de la tâche ; la vie religieuse ne se lit pas dans les textes. Il faut en deviner la trame à travers tous les moyens d'information disponibles : sources juridiques proprement dites (canons conciliaires, capitulaires de Charlemagne, actes pontificaux, actes épiscopaux) ; collections canoniques (collections anciennes et de l'époque carolingienne, pénitentiels, œuvres des faussaires) ; sources narratives (récits contemporains, correspondances, traités). Toutes ces sources ont été exploitées de manière judicieuse ; souvent le canoniste a dû se faire sociologue.
De cette riche récolte, amassée à la suite d'une patiente et minutieuse recherche, nous devons nous contenter de signaler les principaux éléments qui ont été traités. L'auteur a réparti la matière en trois parties. Dans la première partie, intitulée : l'Église et la famille, il examine successivement les conditions préalables à l'entrée dans l'état matrimonial (liberté que restreignent les liens religieux, sociaux et charnels, l'affinité et le rapt) ; les diverses étapes de la formation du mariage (fiançailles, rites nuptiaux, consentement) ; le "démariage", qui désigne la situation, peu précise encore juridiquement, résultant de la séparation des époux aux temps carolingiens (privilège paulin, impuissance, abandon et répudiation) ; la compétence judiciaire de l'Église et, finalement, l'état conjugal (la procréation, la fidélité et l'indissolubilité avec les obligations qui en résultent). La seconde partie est consacrée à la manière dont doit se manifester l'expression de la foi dans la vie quotidienne des fidèles. C'est en effet tout au long de la période carolingienne que se précisent les éléments de la foi ; la théologie carolingienne annonce la théologie médiévale. Aussi les différents aspects étudiés sont les suivants : le contenu de la foi ; les pratiques cultuelles (lieux et temps du culte, règles canoniques de la liturgie) ; les moyens du salut (pénitence publique, privée, tarifée et les œuvres de charité) ; le dernier passage (onction des mourants, funérailles et sépulture, prières pour les défunts). Dans la troisième et dernière partie, l'auteur donne des indications fort intéressantes sur l'insertion des fidèles chrétiens dans l'environnement social, notamment sur la façon dont ils ont essayé de concilier les traditions laïques du milieu avec les préceptes divins. C'est ainsi qu'il envisage, tour à tour, la lutte contre les égarements personnels (la tempérance dans le boire et le manger, la morale sexuelle, les divertissements, les sortilèges et la sorcellerie) ; l'Église face aux problèmes économiques (les richesses de l'Église, l'ampleur du temporel ecclésiastique et sa gestion ; l'Église et le commerce ; l'usure) ; la morale civique (atteinte à la personne et aux biens d'autrui ; l'Église et la guerre ; le respect des serments).
Cette simple énumération, à laquelle nous avons dû nous résigner, montre l'importance qui revient à la période carolingienne dans la formation du droit canonique : un apport considérable tant par le rappel de la discipline ancienne que par les innovations qu'elle a suscitées. C'est dire que le droit canonique occidental a franchi une étape fondamentale entre 741 et 891. Jean Imbert a le mérite d'en avoir relevé tous les aspects dans les deux volumes qu'il a consacrés à cette période difficile pour l'histoire du droit canonique.

René METZ

Jean IMBERT, Le Droit hospitalier de l'Ancien Régime. Préface de Pierre Chaunu. Paris, 1993, in-8°, 307 p. (Histoires, dir. P. Chaunu).

Quand on évoque devant un canoniste l'histoire des hôpitaux, le nom de Jean Imbert, membre de l'Institut, vient aussitôt à l'esprit. Ce sont effectivement les hôpitaux qui, parmi bien autres sujets, ont surtout retenu l'attention de l'éminent historien du droit canonique. Il a commencé sa carrière universitaire avec une remarquable thèse sur l'histoire des hôpitaux au moyen âge : Les Hôpitaux en droit canonique (du Décret de Gratien à la sécularisation de l'administration de l'Hôtel-Dieu de Paris en 1505), Paris, 1947, 330 p. Quelques années plus tard, il publiait un travail consacré au même sujet, mais à une période plus récente : Le Droit hospitalier de la Révolution et de l'Empire, Paris, 1954, 455 p. Comme on peut le constater, entre les deux études, l'une se terminant en 1505 et l'autre débutant en 1789, il restait une tranche de l'histoire hospitalière à combler. Jean Imbert s'y emploie dans le présent ouvrage, si bien que nous disposons désormais d'une vue d'ensemble sur l'évolution des structures hospitalières en France jusqu'au début du XIXe siècle.
Le terme "droit", qui figure dans le titre, doit être entendu dans le sens large, comme l'auteur le note : il s'agit de l'ensemble des institutions hospitalières, elles-mêmes replacées dans le cadre des besoins sociaux du royaume. Dans cet important travail, deux éléments retiennent l'attention du canoniste : l'administration des hôpitaux et le personnel religieux. En effet, à partir du XVIe siècle, l'autorité royale publie des édits par lesquels elle confie l'administration des hôpitaux à des laïcs ; elle se heurte à l'Église, qui au concile de Trente revendique la tutelle ancestrale sur ces établissements. Il est intéressant de voir la manière dont le "conflit" a été aplani et de la part des rois et de la part de l'Église. Les difficultés provenaient en partie pour l'Église du fait que le concile de Trente n'a pas été reçu officiellement par la France ; on y remédiera en faisant prendre des dispositions de Trente par des conciles locaux. En fait, on s'adaptera aux circonstances locales ; progressivement ce sont des commissions mixtes composées de laïcs et d'ecclésiastiques qui régiront les maisons charitables jusqu'en 1789. L'évêque gardera en principe la présidence du bureau de direction. Là encore on tiendra compte des revendications justifiées par d'anciennes coutumes contraires, qui confient la présidence à une autre autorité ; ce sera le cas, par exemple, à Strasbourg.
En ce qui concerne le personnel hospitalier, on retiendra la présence d'un aumônier, de religieuses et parfois de religieux. L'aumônier est nommé par l'évêque. Dans les établissements qui hébergent plusieurs centaines de malades, la charge spirituelle est répartie entre plusieurs prêtres par le recteur, avec l'accord du bureau de direction ; ainsi à l'Hôtel-Dieu de Paris ils sont au nombre de quatre en 1535 et de quatorze en 1652. Le service sanitaire des malades est confié à des "religieuses" relevant de communautés dont les statuts étaient divers. Au XVIIe siècle, on constate la transformation des communautés existantes en véritables congrégations religieuses. En fait, on assiste à la création de nombreuses congrégations féminines se consacrant au soin des malades, en réponse à la réforme catholique provoquée par le concile de Trente. Parmi ces fondations, la plus représentative est celle des Filles de la Charité, dont l'animateur fut Vincent de Paul (1581-1660). En revanche, les ordres hospitaliers du moyen âge (ordre de Saint-Antoine, ordre de Saint-Lazare, ordre hospitalier du Saint-Esprit...) abandonnent progressivement leur vocation originale et se transforment en monastères ou prieurés.
Nous renvoyons le lecteur intéressé par un aperçu sur l'histoire des hôpitaux des origines à nos jours au Que sais-je ? (n° 795) que Jean Imbert a consacré au sujet : Les Hôpitaux, dont la 6e édition, mise à jour, a paru en 1994.

René Metz