Amnon Linder, The Jews in the Legal Sources of the Early Mid­dle Ages, Detroit-Jerusalem, Wayne State University Press, 1997, 717 p. ISBN : 0-8143-2403-7.

La présente publication vient compléter un précédent travail de l’au­teur, publié d’abord en hébreu puis en anglais (The Jews in Roman Imperial Legislation, Detroit, Wayne State University Press, 1987), concernant les juifs dans le système légal impérial et qui se présentait sous la forme d’une compilation de décisions à caractère juridique du iie au vie s. Cet ouvrage-ci, qui lui fait suite, s’étend sur une période plus longue allant du ve au xiie s., période qui s’achève notamment, pour ce qui regarde le droit canonique , par le Décret de Gratien.

L’objet de cet ouvrage, comme de celui qui le précède, n’est pas de procéder à une synthèse concernant le système législatif à l’égard des juifs. Il se présente plutôt comme un outil pratique : une collec­tion de textes extraits de l’immense corpus juridique (impérial et canonique, byzantin et occidental) intéressant spécifiquement les juifs. Les choix de l’A. ont, semble-t-il, été guidés par les deux postu­lats suivants : le ca­ractère légal d’un document ne dépend pas de l’instance dont il émane, on peut donc considérer comme document de type légal tout texte qui à l’époque ou durant l’histoire s’est imposé comme tel, quelle qu’en ait été la provenance. Ensuite, par­tant du principe que les juifs étaient citoyens à part entière, ce sont des textes formulés à leur adresse, pour combler les vides laissés par les lois générales, qui ont été sélectionnés pour être cités. L’A. a pris le parti d’élargir les citations à une partie du contexte, quand celui-ci manifestait une certaine unité thématique. Précisons que, s’agissant d’un recueil de textes légaux, l’ouvrage ne contient aucune enquête historique sur le droit coutumier (oral) ayant pu donner lieu ici ou là à des décisions non écrites concernant les communautés juives du lieu.

Techniquement, l’A. a choisi de répartir la présentation des textes par source (textes byzantins ; textes séculiers d’Occident ; décrétales papales ; etc.) formant un ensemble de cinq grandes par­ties dont la matière interne, comptabilisant au total 1016 petites unités textuelles, suit un ordre chronologique. Pour ce qui regarde chaque sous-partie, un paragraphe de présentation introduit les dif­férentes collections conte­nant une datation ainsi que l’histoire de la réception des textes en question. Chacun des textes cités, dans sa langue d’origine (grec ou latin) et suivi immédiatement de sa traduc­tion anglaise, est accompagné de notices bibliographiques réduites au nécessaire, notamment aux sources ayant permis son établisse­ment.

L’examen comparatif des documents ainsi rassemblés permet de prendre la mesure de la complexité de la situation des juifs dans la so­ciété du haut Moyen Âge. On relève par exemple, au sujet des desti­nataires, des différences notables de terminologie. Elles sont la marque d’un contexte argumentatif différent, indiquant donc, chaque fois, une portée sensiblement différente. Tel texte s’adresse aux « Hérétiques, Juifs, Samaritains » (Athanasios d’Emèse 572), tel autre aux « Goths, Romains, Syriens, Grecs, Juifs » (Narbonne 589), aux « Hébreux » (Eparchikon Biblion 965), ou aux « Juifs infidèles » (Girone 1078). Pour ce qui est de la raison d’être de ces décrets, l’argument théologique est longuement développé avec force cita­tions bibliques dans certains cas (neuf conciles de Tolède entre 589 et 694), dans d’autres il est absent (Vannes 461-491). On note par ail­leurs, dans les décrétales papales, de notables variations de points de vue sur l’expulsion, le baptême forcé, la tolérance (Grégoire le Grand) vis à vis des populations juives, ou même leur protection (Alexandre II). D’autres documents encore, comme l’ensemble des conciles espagnols, sont très instructifs sur les raisons profondes de la politique religieuse ultérieure de l’Espagne, huit cents ans plus tard, sous Isabelle la Catholique.

Outre l’excellente qualité typographique, usant de nombreux con­trastes pour permette une lecture rapide et agréable, cet ouvrage, qui a nécessité un important travail de dépouillement et de traduc­tion (nous n’avons pas contrôlé la qualité des traductions proposées par l’A.), fournit une banque de données extrêmement sérieuse, large et complète, intégrant des recherches récentes, et manifeste un réel souci d’objectivité documentaire.

Malgré ces grandes qualités, de fond comme de forme, nous émet­trons néanmoins quelques réserves sur deux points de méthode. Dans la présentation, l’A. lui-même insiste sur l’inconsistance d’une division moderne entre les sphères des pouvoirs séculier et ecclésias­tique ou les domaines privé et public. Or les cinq grandes parties dans lesquelles il tente de classer l’ensemble des textes s’appuient paradoxalement sur cette qualification. Qui plus est, cela rend diffi­cile l’étude synchronique d’un lien potentiel entre textes émanant de sources différentes mais publiés à une même époque, de même que cela entretient l’idée erronée d’une société dont les constituants internes auraient été nettement séparés et pire, sans liens récipro­ques. Au demeurant, l’une des problé­matiques que soulève cette compilation reste bien la difficulté de poser les critères de ce qui peut être reçu aujourd’hui comme document légal, notamment du fait des chevauchements de chacune de ces sphères. En réalité, une classification de type seulement chronologique et géogra­phique aurait peut-être constitué une représentation plus juste et un outil plus fonctionnel. L’autre réserve concerne le principe du choix, dans le contexte de ce qui thématiquement n’était sensé concerner que les juifs. Bien qu’il soit presque incontournable, pareil procédé crée certainement une difficulté supplémentaire, car il réduit l’interprétation des données à celle de leurs seuls termes. Or, si ces seuls termes peuvent paraître suf­fisants pour l’analyse de la formula­tion des canons à l’intention explicite des juifs, ils ne le sont aucu­nement lorsqu’il s’agit de les utiliser pour tenter d’établir un descriptif général de la situation des juifs dans les sociétés concer­nées.

Finalement, notre dernière remarque soulève une question beau­coup plus lourde, concernant, cette fois, la justification de l’ensemble du livre. Aborder la situation des juifs dans l’histoire sous l’angle de seules dispositions épinglées comme particulières, sans les mettre en perspec­tive avec l’ensemble des dispositions concernant les autres populations, n’est-ce pas déjà avoir répondu arbitrairement à la question que l’on s’apprêtait à poser ?

Yann Lohr

Joseph LISTL, Kirche im freiheitlichen Staat. Schriften zum Staatskirchenrecht und Kirchenrecht, hrsg. von J. ISENSEE und W. RÜFNER in Verbindung mit W. REES. Berlin, Duncker u. Humblot, 1996, 2 vol. in-8°, XXXVI-1173 p. (Saatskichenrechtliche Abhandlungen, hrsg. von A. HOLLERBACH et alii, 25).

Selon la tradition, il y a deux façons d'honorer un enseignant arrivé à un certain âge, qui s'est distingué par ses publications : on lui offre des "Mélanges" (Festschrift), auxquels ont collaboré ses amis et collègues, ou on réunit ses travaux dispersés dans de nombreuses revues ou publications collectives. C'est cette deuxième solution qu'on choisi J. Isensee, W. Rüfner et W. Rees pour fêter les 65 ans du professeur Joseph Listl, qui occupe la chaire de droit canonique à l'Université d'Augsbourg. Nous les félicitons pour ce choix. Ils nous offrent ainsi la possibilité d'accéder facilement à une partie des nombreuses publications du jubilaire ; sur les 118 articles ou contributions écrits par l'auteur dans les trente dernières années (1967-1993), ils ont reproduit le texte de 46 d'entre eux dans deux grands volumes.
Le professeur Listl est un spécialiste des relations de l'Église et de l'État ; ses travaux concernent presque tous ce que nous appelons le droit civil ecclésiastique (Staatskirchenrecht), qui tient une place si importante en Allemagne en raison du caractère particulier des deux Communautés, la catholique et la protestante. C'est pourquoi dans les deux volumes le lecteur trouve abordés tous les problèmes relatifs aux questions, souvent délicates, qui mettent en contact les Églises avec le pouvoir civil en Allemagne ; il dispose d'un excellent manuel de droit civil ecclésiastique.
Les travaux ont été réunis sous différentes rubriques - 10 en tout - selon les questions traitées. Nous ne pouvons qu'en donner les titres, en indiquant en passant les points qui, à notre avis, méritent une attention spéciale : - 1. Liberté religieuse et liberté de conscience : neuf publications, traitant de tous les problèmes que pose la liberté religieuse, parmi lesquelles celui du crucifix dans les écoles publiques, qui a fait couler tant d'encre lors de l'interdiction prononcée en 1991 au nom précisément de la liberté religieuse par le Tribunal administratif de Bavière. - 2 et 3 : Fondements historiques et situation actuelle du droit civil ecclésiastique en Allemagne : six publications, notamment une sur son évolution de 1989 à 1994. - 4. Concordats et Conventions passées avec les Églises protestantes (Kirchenverträge) : quatre publications. - 5. Office ecclésiastique et loyauté à l'égard de l'Église : six publications, parmi lesquelles une traite des implications sur le plan ecclésiastique et civil de l'"Affaire Küng", une autre des mêmes conséquences lors d'une déclaration de sortie de l'Église (Kirchenaustritt). - 6. Activités de l'Église dans les domaines où l'État est impliqué : sept publications concernant, entre autres, l'instruction religieuse à l'école, le droit du travail, les processions de la Fête-Dieu et surtout l'obligation à laquelle sont soumis les catholiques et les protestants d'acquitter à leur Église un impôt : début et cessation de l'obligation. - 7. Organisation de l'Église catholique en Allemagne : cinq publications, dont nous en relèverons une qui concerne la nouvelle délimitation des diocèses après la réunion des deux Allemagne en 1990 et une autre qui traite de la provision des évêchés et des élections épiscopales. - 8. Les relations de l'Église et de l'État selon la doctrine catholique : cinq publications qui soulèvent le problème de la nature de l'Église et plus spécialement la notion de la societas iuridice perfecta, si contestée à l'heure actuelle par de nombreux canonistes et dont l'auteur s'efforce de rétablir, à la lumière de Vatican II et du Code de 1983, le sens véritable. - 9. Les fondements du droit canonique catholique : deux publications, qui s'intéressent surtout au Code de droit canonique de 1983 et à son inspiration théologique. - 10. Exemples historiques concernant les relations de deux puissances, la civile et la religieuse : deux publications, dont l'une traite de la manière dont l'empereur Constantin et ses successeurs intervinrent au IVe siècle dans la querelle donatiste, l'autre nous transporte à la première moitié du XXe siècle avec le prélat L. Kaas et sa carrière politique à la tête du parti du Centre (Zentrumpartei) (1928-1933), puis son activité à Rome (1933-1952).
Il convient de noter que le professeur J. Listl est l'auteur de deux importants ouvrages, l'un traitant du fondement de la liberté religieuse dans la jurisprudence des tribunaux allemands (Das Grundrecht der Religionsfreiheit..., Berlin, 1971) et l'autre, des relations Église-État dans la récente doctrine catholique (Kirche und Staat..., Berlin, 1978). Il a assumé et assume encore personnellement la direction de plusieurs ouvrages collectifs et il a participé et participe toujours avec d'autres collègues à la direction de telles publications. Enfin son principal mérite est la direction, depuis la fondation en 1971, de l'Institut pour le droit civil ecclésiastique des diocèses allemands établi à Bonn (Institut für Staatskirchenrecht der Diözesen Deutschlands). Nous formulons pour le jubilaire le vœu qu'il puisse longtemps encore continuer à se dépenser au service de la cause du droit de l'Église.

René METZ

Joaquín Llobell - Enrique De León - Jesús Navarrete, Il libro « De Processibus » nella codificatione del 1917. Studi e documenti. Vol. I. Ceni storici sulla codificatione « de judicis in genere ». Il proceso contenzioso ordinario e sumario. Il processo di nullità del matrimonio, Giuffrè editore, Milan, 1999, 1903 p. 

Ce livre présente une série de sources imprimées extraites des archives secrètes du Vatican. Il se compose de trois parties : études introductives (1ère partie), documents des archives secrètes du Vatican (2e partie) et annexes. En introduction, on trouve une présentation du projet de recherche.

Comme l’indique le titre, il s’agit des actes de la Commission qui a élaboré le premier Code de l’Église latine à partir de 1904. Ce volume est consacré au droit processuel dans la codification de 1917 et plus précisément au « De iudiciis in genere », aux procès contentieux ordinaires et sommaires et aux procès de nullité de mariage.

On apprend toute une série de choses, dans la présentation et dans la 1ère partie, qui n’étaient guères connues jusqu’ici. Ce qu’on savait déjà est confirmé, particulièrement le travail fait à partir de 1915, lors de la dernière phase, par ce qui n’était déjà plus la Commission, mais plutôt par Gasparri et ses collaborateurs. L’introduction s’achève par une courte bibliographie sur l’histoire de la première codification. On peut regretter qu’il manque ici quelques travaux essentiels en langue allemande.

La 1ère partie commence au chapitre un avec la phase de pré­paration de la codification. Les auteurs se plongent dans le xixe siècle et présentent le développement du processus législatif dans le domaine du droit processuel de façon assez détaillée. Ainsi, ils insistent sur l’Instructio austriaca, mais ici aussi les ouvrages en lan­gue allemande ne sont pas cités. Cependant, un résultat intéres­sant de ces recherches est qu’au cours de la seconde moitié du xixe siècle, de telles instructions ont largement servi à former le droit, alors même que cela n’était théoriquement pas possible au regard du système normatif de l’époque.

Les auteurs ont aussi étudié avec attention pourquoi Pie X a décidé de faire le Code et qui a été le véritable « initiateur » du projet, Gasparri ou le cardinal Gennari ; mais ils n’ont pas pu apporter de lumière nouvelle sur cette question. Ils ont cependant découvert de nouveaux actes, ce qui est important ; ainsi une série « Doppioni » (trente boites au total) aux archives du Vatican et le fonds « Roberti » (comme ils l’appellent), qui contient les travaux utilisés par Roberti pour son édition des Schemata du Code. Le résultat intéressant auquel ils parviennent est que Roberti a appa­remment travaillé de façon très arbitraire.

La documentation publiée, y compris en annexe, sur les actes qui se trouvent ailleurs que dans les archives secrètes du Vatican, est particulièrement utile pour la recherche. Pour autant que je puisse voir, les auteurs paraissent avoir parcouru un grand nombre d’archives et de bibliothèques romaines et ils ont fait des trouvailles surtout au Collège Leonianum, à la Grégorienne et au Latran. Il aurait été utile, cependant, d’indiquer le fait que le prof. Giorgio Feliciani, de l’Université catholique de Milan, possède déjà, sous forme de microfilms, la plus grande partie des actes de la codification de 1917. Les tables synoptiques des canons des documents qu’ils publient sur le droit processuel, des schémas publiés par Roberti, ainsi que les tables comparatives entre lesdits documents et lesdits schémas, sont très utiles aussi pour la recherche à venir.

Je connais bien l’état d’ensemble des actes du Code dans les archives vaticanes. J’ai examiné à plusieurs reprises l’ensemble des boites. Je ne partage pas entièrement l’enthousiasme des auteurs, selon lesquels l’étude des actes apporterait un éclairage particuliè­rement révélateur sur le droit antérieur au Code de 1917. L’état des actes est en effet très varié. En revanche, l’étude des votes est particulièrement féconde.

Il faut saluer le fait que les auteurs ne se sont pas limités au droit processuel, mais ont pris en compte aussi d’autres domaines du travail de réforme, dans la mesure où ceux-ci interféraient avec le droit des procès. Ce qui conduit à ce que le contenu des pre­mières boites d’archives soit maintenant entièrement imprimé. Grâce à cela, on peut maintenant se représenter très clairement le pro­jet, l’objectif et le travail de la Commission.

Je voudrais attirer l’attention sur les « Postulata episcoporum ». Ceux qui concernent le droit des procès sont imprimés dans la seconde partie du livre. Je voudrais signaler que j’ai enregistré l’en­semble des Postulata sur mon ordinateur et que je suis prêt à les publier. Je les tiens d’ores et déjà à la disposition de la com­munauté scientifique.

Le livre comble un trou important dans la recherche sur le droit canonique. On peut regretter qu’on n’ait rendu public ce matériau législatif que si tardivement, longtemps après que le Code de 1917 a cessé d’être en vigueur. Ces documents n’ont plus aujourd’hui qu’un intérêt historique, même si le can. 6 § 2 du Code de 1983 renvoie à la « tradition canonique » pour l’inter­prétation des lois. Le livre devrait en tout cas donner un nouvel élan à la recherche sur le Code de 1917 et son élaboration. Ainsi, comme le suggèrent les auteurs, il serait possible d’étudier individuellement les collaborateurs pour voir leur apport à la Commission, comme j’ai tenté de le faire dans l’un ou l’autre essai sur le futur général des jésuites, le père Franz Xaver Wernz.

Il s’agit donc d’un livre indispensable pour toute bibliothèque de droit canonique et surtout d’histoire du droit ou d’histoire du droit canonique.

Richard Puza

Gaetano LO CASTRO, Les Prélatures personnelles. Aperçus juridiques, trad. de l'italien par D. Le Tourneau et J.-P. Schouppe, Paris, Beauchevain/Frison-Roche/Nauwelaerts, 1993, 206 p.

Résolument engagé dans la défense de l'Opus Dei, Gaetano Lo Castro publiait un ouvrage entièrement consacré au cas très particulier de la prélature personnelle en droit canonique aux éditions Giuffrè en 1988. La récente traduction française de Dominique Le Tourneau et Jean-Pierre Schouppe dessert malheureusement son projet. Laborieuse, elle comporte des erreurs incompréhensibles et semble avoir été quelque peu hâtive : le code de 1983 n'est pas un droit réformé (p.7). Le style est souvent lourd, trop littéral, voire ampoulé : "l'utilité" peut-elle s'être "affirmée d'enrichir l'ordonnancement canonique de nouvelles structures juridictionnelles" (p.9) ? Ces défauts ne sont malheureusement pas rares.
G. Lo Castro, qui enseigne le droit canonique à l'Université d'État La Sapienza de Rome, revient sur la question du statut controversé de l'Opus Dei dans cet "ordonnancement", pour reprendre l'expression des traducteurs. On retrouve les têtes de chapitres un peu abstraites de la première version où il développe sa théorie de la prélature personnelle au fil d'une réflexion qu'il veut avant tout méthodologique. Le premier chapitre, précisément "méthodologique", cadre la question par le rappel de quelques principes fondamentaux en droit canonique : la signification des actes normatifs et leur interprétation, les rapports entre normes générales et normes particulières. On a évidemment en perspective la Constitution apostolique Ut sit par laquelle Jean-Paul II érigeait la Sainte Croix et Opus Dei en prélature personnelle le 28 novembre 1982. Un second chapitre intitulé "aspects critiques" traite en réalité de certaines critiques (de chercheurs que l'auteur répugne à nommer dans son texte et avec lesquels il poursuit un dialogue critique assez fouillé) sur la capacité des laïcs à adhérer aux prélatures personnelles. On voit là comment Lo Castro s'applique à généraliser ce qui n'est, de l'avis de certains, qu'une exception d'une certaine manière contradictoire. On lui saura gré en tout cas d'inviter les juristes à une "maturation pratique (c'est à dire orientée vers la praxis) de certaines convictions ecclésiologiques" qui les conduisent parfois à d'autres contradictions (la négation des laïcs comme acteurs à la poursuite de finalités apostoliques et pastorales, p. 101, par exemple). La "reconstruction théorique" proposée au chapitre III intéressera ceux qui réfléchissent à l'institutionnalisation du droit dans l'Église, qu'ils soient ou non "institutionnalistes". Pour décrire le processus d'élaboration de ce droit spécifique des prélatures personnelles dont seule jouit pour l'heure l'Opus Dei, l'auteur utilise à plusieurs reprise l'expression "vêtement juridique" (p. 162 par exemple). Si on le suit dans ses conclusions "problématiques" au chapitre IV, on ne manquera pas de se demander jusqu'à quelles autres réalités pastorales peut s'étendre cette créativité juridique et à quelles conditions, surtout si l'on considère que le droit ne se contente pas de les habiller ?
Rappelons que A. De Fuenmayor, qui commentait positivement cet ouvrage dans Ius ecclesiae en 1989, fait le point sur ces questions avec Gomes-Iglesias et Illianes dans le Münsterischer Kommentar zum Codex Iuris Canonici (Beihefte 11, Essen, Ludgerus, 1994) avec un petit dossier intitulé Die Prälatur Opus Dei. Zur Rechtgeschichte eines Charismas. Darstellung, Dokumente, Statuten.

Jean-Luc HIEBEL

Norbert LUDECKE, Die Grundnormen des katholischen Lehrrechts in den päpstlichen Gesetzbüchern und neueren Äusserungen in päpstlicher Autorität, Echter Verlag, Würzburg, 1997, 574 p. (Reine Forschungen zur Kirchenrechtswissenschaft Band 28, herausgegeben von Hubert Muller [†] und Rudolf Weigand [†]) [DM 64, ISBN 3-429-0193-2].

Cette publication est une "Habilitationsschrift" (deuxième dissertation dans les universités allemandes) écrite à la Faculté de théologie catholique de l'université de Würzburg en 1996. Le travail comprend deux parties.
La première partie, la plus importante (p. 93-414), donne une interprétation détaillée des dispositions fondamentales concernant "le droit de l'enseignement de l'Église" dans les deux Codes du pape Jean Paul II, à savoir le CIC/83 can. 747-755 et le CCEO can. 586. 595-606. La deuxième partie (p. 415-532) traite de cinq documents magistériels récents et significatifs, édités sous 1'autorité du pape. L'A. voit les trois premiers documents comme un complément et une mise en relief du droit qui concerne le magistère ecclésial : 1. le nouveau texte de la profession de foi (can. 833) et le serment de fidélité (can. 833 n. 5-8), publiés en 1989 et en application depuis début 1990 ; 2. 1'instruction de la congrégation pour la Doctrine de la Foi Donum veritatis du 24 mai 1990 sur la vocation ecclésiale du théologien ; 3. l'instruction Il Concilio du 30 mars 1992 émanant de la même congrégation, qui traite de l'usage des moyens de communication sociale dans la transmission de la doctrine. Les deux documents suivants concernent des doctrines définitives du magistère ordinaire et universel du collège des évêques : 1. la doctrine sur l'impossibilité de l'ordination sacerdotale de femmes, c'est-à-dire la lettre apostolique de Jean Paul II Ordinatio sacerdotalis du 22 mai 1994, et la réponse du 28 octobre 1995 de la congrégation pour la Doctrine de la Foi portant sur le caractère de la doctrine contenu dans Ordinatio sacerdotalis ; et 2. l'encyclique du pape Jean Paul II Evangelium vitae du 25 mars 1995 sur l'inviolabilité de la vie humaine.
L'A. donne, pour finir, une rétrospective et une perspective sommaires et il termine par un index des canons cités des trois codes (CIC/17, CIC/83 et CCEO), un index des auteurs et un index des mots.
Le travail impressionne remarquablement. Il est méthodologiquement très clair et très bien construit. Tous les thèmes sont traités de manière fondamentale et détaillée en utilisant un grand nombre de sources et de littérature (38 p.). L'auteur débat avec beaucoup de ses confrères et ne se satisfait jamais d'une lecture superficielle. Plutôt, il recherche une signification plus profonde. Bien qu'il prenne un point de vue explicitement canonique, il utilise fréquemment la littérature théologique, mais il s'abstient de se mêler à des débats théologiques. D'une manière cristalline, il laisse voir comment le pouvoir central de l'Église catholique essaie de maintenir, à travers la crise d'identité et la crise de tradition (p. 66) de 1'Eglise postconciliaire, l'unité de la doctrine et de la discipline par ses instruments que sont les documents législatifs et magistériels. Tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, sont concernés par la transmission de la doctrine ecclésiastique sont strictement liés par la formulation centrale de la doctrine. La pluralité dans les opinions sur la doctrine est combattue par tous les moyens, entre autres via l'instrument de la profession de foi et du serment de fidélité, qui sont exigés de ceux qui acceptent certaines fonctions. L'A. se limite formellement aux perspectives de lege lata. Seulement à la fin (p. 541-546) et en parlant des indices de dysfonctionnement et de contre-productivité de ce gouvernement législatif, il indique comme tâche au canoniste de penser aux perspectives de lege ferenda, mais ne les élabore pas.
Dans la vision de l'A., le titre du livre 3 du CIC/83 "De Ecclesiae munere docendi" est identique au "De magisterio ecclesiastico" du CIC/17. Il traduit le titre du livre 3 du CIC/83 par "Le magistère hiérarchique de l'Église" (p. 120). Ici, il ne me convainc pas. Il a raison de souligner que les "tria munera" du can. 204 § 1 concernant les fidèles du Christ sont appelés "munus sacerdotale, propheticum et regale" et non "munus sanctificandi, docendi et regendi" comme il est dit pour l'Église.
Bien qu'il renvoie au titre parallèle du livre 4 du CIC/83 "De Ecclesiae munere sanctificandi" (p. 110-111), il ne traite pas le canon fondamental par lequel commence le livre 4 (can. 834) et d'où il ressort que "L'Église remplit sa fonction de sanctification d'une manière particulière par la sainte liturgie", où "le culte public intégral de Dieu est célébré par le Corps mystique de Jésus Christ, Tête et membres". Dans cette relation, on peut aussi citer le can. 840 où les sacrements sont décrits comme la composante principale de la liturgie de l'Église. Les sacrements sont ici appelés "actions du Christ et de l'Église".
De plus, il ne traite pas non plus le can. 781 par lequel commence le titre 2 du livre 3 du CIC/83 et qui formule une partie essentielle de l'"Ecclesiae munus docendi" c'est-à-dire "l'activité missionnaire de l'Église" : "Comme l'Église tout entière est par sa nature missionnaire et que l'œuvre de l'évangélisation doit être considérée comme un devoir fondamental du peuple de Dieu, tous les fidèles, conscients de leur propre responsabilité, prendront leur part de l'œuvre missionnaire".
L'activité missionnaire de l'Église est d'ailleurs traitée dans le livre "De Ecclesiae munere docendi" du CIC/83 et non, comme dans le CCEO, sous un titre particulier "De evangelizatione gentium", à côté du titre 15 "De magisterio ecclesiastico".
Ce can. 781 correspond au can. 747 § 1 que 1'A. a traité largement : "L'Église à qui le Christ Seigneur a confié le dépôt de la foi afin que, avec l'assistance du Saint-Esprit, elle garde saintement la vérité révélée, la scrute plus profondément, l'annonce et l'expose fidèlement, a le devoir et le droit inné, indépendant de tout pouvoir humain, de prêcher l'Évangile à toutes les nations, en utilisant aussi tous les moyens de communication sociale qui lui sont propres".
On peut objecter que, suivant le can. 784, les missionnaires, qui donc exercent "l'activité missionnaire de l'Église", sont toujours envoyés par "l'autorité ecclésiastique compétente" et que suivant le can. 785, les catéchistes sont choisis "pour accomplir l'œuvre missionnaire". En d'autres termes, les personnes, qui exercent l'activité missionnaire de l'Église ne peuvent le faire d'elles-mêmes, mais elles doivent toujours recevoir une mission de "l'autorité de l'Église". Mais cette mission ne vaut que lorsqu'ils remplissent la fonction de missionnaire ou de catéchiste. Le can. 781 fondamental doit être lu, suivant mon opinion, en relation avec d'autres canons où la mission de tous les fidèles du Christ est liée au baptême et à la confirmation. La description législative de la confirmation indique au can. 879 : "Le sacrement de confirmation, qui imprime un caractère et par lequel les baptisés, poursuivant le chemin de l'initiation chrétienne, sont enrichis du don de l'Esprit Saint et sont plus étroitement liés à l'Église, fortifie ceux-ci et les oblige plus strictement à être témoins du Christ en parole et en acte qu'à propager et à défendre la foi".
La norme du can. 211 se trouve dans la même ligne : "Tous les fidèles ont le devoir et le droit de travailler à ce que le message divin du salut atteigne sans cesse davantage tous les hommes de tous les temps et de tout l'univers". Le can. 216 développe le droit fondamental d'initiative de tous les fidèles du Christ : "Parce qu'ils participent à la mission de l'Église, tous les fidèles, chacun selon son état et sa condition, ont le droit de promouvoir ou de soutenir une activité apostolique, même par leurs propres entreprises ; cependant, aucune entreprise ne peut se réclamer du nom catholique sans le consentement de l'autorité ecclésiastique compétente".
Les can. 215 et can. 298 § 1 donnent la possibilité législative de donner forme à ces activités par le droit fondamental d'association. Mais c'est seulement si l'association se donne comme but d'"enseigner la doctrine catholique au nom de l'Église" et donc devient une association publique, que, suivant le can. 301 § 1, le droit d'érection d'une telle association revient à "la seule autorité ecclésiastique compétente".
Conformément aux can. 211 ; 215 ; 216 et 879, le can. 225 § 1 détermine en ce qui concerne les laïcs : "Parce que comme tous les fidèles, ils sont chargés par Dieu de l'apostolat en vertu du baptême et de la confirmation, les laïcs sont tenus par l'obligation générale et jouissent du droit, individuellement ou groupés en associations, de travailler à ce que le message divin du salut soit connu et reçu par tous les hommes et par toute la terre ; cette obligation est encore plus pressante lorsque ce n'est que par eux que les hommes peuvent entendre l'Évangile et connaître le Christ".
Les can. 879 ; 211 ; 215 ; 216 et 225 § 1 ne sont pas non plus traités par l'A. Jusqu'à présent, je ne suis donc pas convaincu par la démonstration de l'A., lorsqu'il met sur un pied d'égalité le titre du livre 3 du CIC/83 avec le titre correspondant du CIC/17.
Bien que je pense devoir faire cette remarque critique, mon impression fondamentale reste que l'A. présente un ouvrage de fond, qu'il faut absolument connaître pour traiter sérieusement du droit qui concerne "la fonction de l'enseignement de l'Église".

Piet STEVENS

Tous les chemins ne mènent plus à Rome, sous la dir. de René LUNEAU et Patrick MICHEL, Paris, Albin Michel, 1995, 440 p.

C'est peut-être Georges Brassens qui a inspiré le titre de ce livre, lui qui chantait il y a quelques décennies :
"Je ne fais pourtant de tort à personne
En suivant les chemins qui ne mènent pas à Rome.
Mais les braves gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux."
Les braves gens d'aujourd'hui ont changé : eux qui suivaient sans rechigner les chemins officiels du catholicisme se sont mis à dévier. C'est donc à décrire "les mutations actuelles du catholicisme", selon le sous-titre, qu'est consacré cet ouvrage qui s'inscrit dans une lignée célèbre : Le Retour des certitudes (Paris, Le Centurion, 1987), ou Le Rêve de Compostelle (1992), déjà codirigés par René Luneau (à l'époque avec Paul Ladrière).
La plupart des auteurs sont sociologues, l'un ou l'autre est ecclésiologue ou canoniste. Ils appartiennent presque tous au CNRS français ou à l'Université Laval de Québec. Dans une substantielle introduction, René Luneau expose ce qu'il considère comme la clé du pontificat de Jean Paul II : la préparation du Jubilé de l'an 2000. La lettre apostolique Tertio Millenio adveniente (1994) est un document essentiel : le pape y livre sa vision de la situation actuelle de l'Église et de son avenir. Mais le sociologue pose la question : le catholicisme a-t-il encore les moyens de son ambition ? Les dissonances entre le discours de l'Église, pétrie de certitudes, et les réalités du monde moderne, fait de diversités, vont en s'aggravant.
Les quatorze articles publiés abordent des sujets divers. Le canoniste sera plus particulièrement attiré par la première partie, consacrée aux "difficultés de la régulation ecclésiale". Jacques PALARD traite de la démocratie dans l'Église, en étudiant le synode diocésain de Bordeaux de 1990-1993 (vu comme "analyseur institutionnel"). Il constate une double évolution : les synodes renforcent le pôle diocésain dans l'Église (au détriment de la collégialité et des conférences épiscopales), et centralisent le pouvoir local dans les mains de l'évêque, qui en dernier ressort décide seul. Ces traits sont particulièrement marqués à Bordeaux, en raison des positions théologiques tranchées de l'archevêque du lieu. J. Palard affirme que le pouvoir législatif de l'évêque "ne peut en fait s'exercer que dans le cadre des propositions qui lui sont présentées par l'assemblée ; l'évêque ne dispose donc que d'une compétence liée" : cette expression, "compétence liée", est sans doute excessive, l'évêque restant bien, du point de vue canonique, seul maître du jeu. Concrètement, à Bordeaux, aucun des textes votés par le synode n'a finalement été promulgué par l'archevêque. Paul-André TURCOTTE étudie les ministères catholiques au Québec : vieillissement du clergé, débats sur l'ordination des femmes ou le mariage des prêtres, promotion des ministères laïcs, le tableau n'est pas différent de ce qu'on connaît ailleurs. Notre collègue Francis MESSNER présente le droit canonique : c'est nouveau dans un ouvrage de sociologie ! En 25 pages sont évoqués l'histoire du droit canonique, son fondement théologique et/ou juridique, et surtout les contradictions qu'il affronte actuellement. Ainsi, le régime des associations, tel qu'il est établi dans le Code de 1983, réduit-il à la portion congrue ce qui est pourtant l'essence même d'une association, à savoir la volonté commune de ses membres (c'est le cas surtout des associations publiques). La liberté d'expression, garantie par le Code, est partiellement vidée de son contenu par les limitations que le même Code lui apporte. La révocation de Mgr Gaillot a illustré les dysfonctionnements canoniques de l'Église catholique : procédure expéditive, motifs inconsistants, appel impossible... Il n'est pas étonnant que le droit canonique soit peu connu et mal reçu, sauf en ce qui concerne les permanents ecclésiastiques, auxquels les législations étatiques appliquent le droit interne de leur Église. Bref, le droit canonique court le risque ou est en train de se marginaliser. Jan KERKHOFS explore les rapports souvent conflictuels entre "l'Église et ses intellectuels", à partir de l'enquête européenne de 1990 sur les valeurs. L'originalité du travail tient au fait que, par intellectuels, il n'entend pas seulement les théologiens, mais l'ensemble des catholiques qui ont fait des études supérieures, en particulier ceux qui s'expriment : journalistes, écrivains, enseignants, médecins, etc. Plutôt que d'opinion publique, il préfère parler de "conscience collective" à l'intérieur de l'Église, ou encore de sensus fidelium. Il faudrait même, selon lui, parler des consciences collectives au pluriel : elles s'affrontent à tous les niveaux de l'Église, y compris au sein de l'épiscopat.
Il n'est pas possible de passer ici en revue l'ensemble des contributions, dont les sujets sont fort disparates : les médias, la nouvelle évangélisation, l'ambivalence œcuménique de Jean Paul II (Jean-Paul Willaime), le sida, Haïti, les sectes au Guatemala, l'affaire Gaillot (Danièle Hervieu-Léger), le "dernier pape" (Patrick Michel), etc.
L'unité du volume tient à la démarche, qui est sociologique. Les sociologues du christianisme se veulent scientifiques, mais ne peuvent se déprendre d'une passion pour l'objet de leurs études. On a parfois le sentiment qu'ils cherchent à donner des conseils à l'Église catholique : qu'elle évite les écueils de l'immobilisme, qu'elle apprenne à écouter plutôt qu'à parler, qu'elle vive enfin avec son temps. Autrement dit, tout sociologues qu'ils soient, les auteurs adoptent parfois un ton homilétique : ce peut être agaçant, ou attendrissant, au choix du lecteur. C'est sans doute impossible à éviter. L'ensemble est sans conteste intéressant.

Jean WERCKMEISTER

Pierre LANGERON, Les Instituts séculiers. Une vocation pour le nouveau millénaire, Paris, Éditions du Cerf 2003, 189 p. ISBN 2-204-07050-5. ISSN 1152-1155.

La spécificité des instituts séculiers est leur totale insertion dans le monde. La page de couverture de ce livre le suggère habi­le­ment. La photo choisie représente une foule dans la rue avec, au milieu, l’enseigne d’une chaîne de restauration rapide, d’origine américaine, bien connue elle aussi pour ses capacités d’insertion. Or, les fast-foods sont aussi éloignés des réfectoires monastiques que les instituts séculiers le sont par rapport à la vie érémitique ! Dans un parcours historique éclairant, l’A. situe, précisément, cette nouvelle forme de vie consacrée parmi toutes les autres qui sont nées au cours des siècles, dans les Églises latines, depuis le monachisme jusqu’aux sociétés de clercs, sans oublier les initiati­ves de laïques restés dans « le monde », dont les tiers ordres. Dans les pages centrales (chapitres 3 et 4) sont expliqués les objectifs des instituts séculiers : une vie consacrée séculière, pour la sancti­fication du monde. Le chapitre 5 traite de façon systématique de tous les aspects canoniques de ces instituts. L’exposé se réfère au code (canons 573 à 602, 710 à 730) et à d’autres textes canoniques com­plémentaires, dont la constitution Provida Mater Ecclesia (1947). Le dernier chapitre décrit la façon de vivre dans les insti­tuts séculiers : liturgie et prière personnelle, communauté, profes­sions, absence de signes distinctifs, habitat, etc., le tout étant orienté par la vie consacrée, dans la pratique des trois vœux. Ce livre est à la fois une introduction et un guide pour la connais­sance des instituts séculiers. Il réunit en peu de pages l’essentiel sur le sujet. Il peut légitimement prendre place parmi les manuels d’une bibliothèque de droit canonique.

Marcel Metzger

Liberté religieuse et régimes des cultes en droit français. Textes, pra­tique administrative, jurisprudence, nouvelle édition, Paris, Cerf, 2005, XVIII-1853 p. [isbn 2-204-07817-4 ; 90 €].

Voici la seconde édition du volume monumental consacré par les éditions du Cerf à la « liberté religieuse et [aux] régimes des cultes » en France. La pre­mière édition datait de 1996. Il s’agit pour l’essentiel d’un recueil de textes. L’origine de ces textes est variée : normes inter­na­tio­nales (Onu, Unesco, Oit, etc.), droit européen (Conseil de l’Europe, Cour européenne des droits de l’homme, Union européenne), droit français.
La partie consacrée au droit français est de loin la plus impor­tante (près de 1400 pages). Les textes – qui sont publiés sous leur forme consolidée, c’est-à-dire mis à jour à la date du 31 décembre 2004 – sont assortis d’un commentaire, parfois détaillé. Ainsi, le plus ancien texte encore en vigueur, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, est suivi de quatre pages serrées d’explications sur la genèse de ses articles.
Les régimes particuliers ne sont pas oubliés : Alsace-Moselle, Guyane, Mayotte, Nouvelle Calédonie, etc. Signalons qu’il man­que, dans les tables chronologiques, le décret du 10 janvier 2001 sur les conseils de fabrique en Alsace-Moselle ; mais il n’a pas été omis dans le corps du texte (p. 418).
Il faut souligner une caractéristique essentielle de l’ouvrage : son point de vue n’est pas celui du droit français, mais celui de l’Église catholique sur le droit français des religions (l’éditeur pré­fère d’ailleurs utiliser l’expres­sion catho­lique « droit civil ecclé­sias­tique », qui sert de titre à la collection dirigée par Jean-Paul Durand). Cela n’enlève rien, bien sûr, à la compétence juridique des auteurs ; simplement, l’ouvrage ne pré­tend pas à la neutralité. La préface est signée du président de la conférence épiscopale fran­çaise, Mgr Ricard. Les lecteurs visés sont « les ministres de chaque culte et leurs conseils économiques, les supérieur(e)s de congré­gations religieuses et leurs économes », ainsi que « les res­pon­­sables civils et les collectivités publiques » (p. vi).
On trouvera facilement les nouveautés par rapport à l’édition précé­dente en consultant les imposantes et très utiles tables chro­nologiques (p. 1663-1785), qui montrent que plusieurs centaines de textes ont dû été ajoutés depuis 1996. Le droit français des religions reste bien vivant.

Jean Werckmeister

Jacqueline Lalouette, L’État et les cultes. 1789-1905-2005, Paris, La Découverte, 2005, 124 p. [isbn 2-7071-4717-6 ; prix : 8,50 €].

Mme Lalouette est historienne. Elle propose un petit livre de « Repères » (titre de la collection) sur les relations mouvementées entre l’État français et les cultes depuis la Révolution de 1789 : Constitution civile du clergé de 1790, séparation de 1795, con­cordat de 1801, articles orga­niques de 1802, décret sur le ju­daïsme de 1808, catholicisme « reli­gion de l’État » en 1814, sépa­ration de 1905. Les développements les plus importants sont con­sacrés aux causes, au vote et aux suites de la loi de 1905 (p. 37 à 88). Les deux derniers chapitres étudient les évolutions surve­nues depuis cette loi de 1905 et les débats actuels sur une éventuelle révi­sion de celle-ci. Quatre notices biographiques (Bert, Briand, Cle­men­ceau, Combes), un petit glossaire, une bibliographie et un index terminent cette synthèse historique utile, bien informée et agré­able à lire.

Jean Werckmeister