Charles RENOUX, Initiation chrétienne. 1. Rituels arméniens du baptême, texte arménien, traduction française, introduction et notes, Paris, Cerf, coll. "Sources liturgiques", n° 1, 1997, 195 p.

Cet ouvrage, bien présenté, procure le texte de deux rituels arméniens publiés l'un à Venise, en 1831, et l'autre à Jérusalem, en 1933, avec une traduction française. Il peut rendre service à la fois pour les célébrations des Églises arméniennes actuelles et pour l'étude des traditions liturgiques. On ne peut qu'admirer la permanence de celles-ci au long des siècles et le P. Renoux, dans une introduction précise et bien documentée, montre comment les pratiques actuelles plongent leurs racines dans les premiers temps de l'Église arménienne, conservant des usages adoptés aux IVe et Ve siècles, puis adaptés à la pratique généralisée du pédobaptisme et aux évolutions des IXe et Xe siècles. Cette histoire de la célébration baptismale arménienne est clairement résumée par le grand tableau synoptique des p. 30-35. Le rituel a conservé plusieurs étapes, depuis les rites préparatoires, hérités du catéchuménat, jusqu'aux célébrations du huitième et du quarantième jour après le baptême et la tonsure, comme offrande des premiers cheveux de l'enfant. Le baptême est entouré des rites reçus d'exorcisme, de renoncement, d'onctions et de vêture, il introduit immédiatement à la communion eucharistique. Selon l'usage du partiarcat d'Antioche, l'ancien rituel comportait une onction avant le baptême, signifiant le don de l'Esprit Saint, et la consécration des eaux avec l'huile sainte. Par la suite, l'onction a été déplacée après le baptême. Les nombreuses lectures bibliques, le choix des psaumes et l'éloquence du formulaire, enrichi de nombreux emprunts aux Écritures, expriment les significations fondamentales du baptême et des rites qui l'accompagnent. Comme pour la collection "Sources canoniques", souhaitons également pour celle-ci la publication prochaine des autres volumes, car l'histoire de la liturgie intéresse directement les études de droit canonique.

Marcel METZGER

Revue européenne des relations Églises-État / European Journal for Church and State Research, Leuven, Peeters, 1994, vol. 1, IV-86 p.

L'European Consortium for Church-State Research regroupe des spécialistes du droit des religions parmi les plus réputés de chacun des pays de l'Union européenne. Ce Consortium a pour projet de publier chaque année un "journal" des relations Églises-État (pourquoi État est-il au singulier ?), dans lequel sera présenté chacun des pays concernés. Il s'agit donc de suivre de près les évolutions et de faire circuler les informations. Les contributions sont publiées en anglais ou en français, le rédacteur en chef de la revue étant Rik Torfs, doyen de la Faculté de droit canonique de Louvain (Leuven).
Luc Vervliet présente la Belgique : les "philosophies non confessionnelles" y sont équiparée depuis 1993 aux cultes reconnus ; la cour d'appel de Mons a condamné un évêque pour "voie de fait" sur un vicaire relevé de ses fonctions sans respect suffisant des droits de la défense.
Inger Dübeck traite du Danemark, où le Grœnland est devenu un diocèse indépendant au sein de l'Église nationale danoise.
Joseph Listl commente les nouveauté du droit public ecclésiastique allemand et de l'organisation interne des Églises : création des diocèses d'Erfurt, de Görlitz et de Magdebourg (la nouvelle carte des diocèses allemands est achevée depuis le 5 novembre 1994), traités avec les Églises évangéliques, préparation de nouveaux concordats avec le Saint-Siège, etc.
Pour l'Angleterre, J. David McClean évoque les premières ordinations de femmes dans l'Église anglicane et les débats (timides) sur le disestablishment de cette Église, c'est-à-dire son autonomisation par rapport à l'État.
En Espagne (Agustín Motilla), les accords passés en 1992 avec les communautés juive, évangélique et musulmane ont conduit à modifier les formulaires d'état-civil et d'autres procédures administratives.
Jean-Paul Durand parle du "droit civil ecclésiastique" en France ; il estime notamment que la laïcité française connaît une crise, illustrée par un arrêt de la cour de Montpellier qui considère que l'Église catholique "endoctrine" ses fidèles lorsqu'elle leur demande de signer une déclaration d'intention avant leur mariage. L'auteur s'insurge contre la comparaison qui est faite entre l'Église catholique et les sectes.
Francis Messner détaille les évolutions du droit des cultes en Alsace et en Moselle : réorganisation des conseils presbytéraux protestants, des inspections de l'Église luthérienne et des fabriques d'églises catholiques ; reconnaissance légale des congrégations ; régime des cultes non reconnus.
Pour la Grèce, Charalambos K. Papastathis donne sans commentaire (on le regrette) la liste des lois promulguées en 1993 concernant la religion et la jurisprudence de cette même année.
James Casey cite un jugement qui admet que "le peuple irlandais est religieux" et que des décisions administratives peuvent se fonder sur ce trait de caractère (en l'occurrence, refus d'une autorisation d'exploitation minière près d'un lieu de pèlerinage). Par ailleurs, le Comité des Droits de l'homme de l'ONU reproche à la Constitution irlandaise d'obliger le président et les juges à prêter serment en invoquant Dieu.
En Italie, comme l'explique Daniela Jouvenal, plusieurs accords ont été passés en 1993 entre l'État et des communautés religieuses : avec la Tavola valdese (vaudois et méthodistes) sur la part des impôts qui lui revient, avec les baptistes et les luthériens. La reconnaissance civile des mariages catholiques pose problème : les tribunaux d'État sont-ils compétents pour déclarer nuls de tels mariages ? La Cour de cassation a répondu positivement le 13 février 1993, mais la Cour constitutionnelle a tranché en sens inverse le 1er décembre suivant.
Alexis Pauly examine les questions parlementaires posée dans le Grand-Duché de Luxembourg au sujet de la séparation des Églises et de l'État. Par ailleurs, La Commission européenne des Droits de l'homme a rejeté un recours contre l'obligation faite aux élèves de suivre soit un enseignement religieux, soit un cours d'enseignement moral et social.
Aux Pays-Bas, Sophie C. van Bijsterveld évoque entre autres les nouvelles lois qui protègent les données informatiques "sensibles" (Netherlands Data Protection Act) : la religion fait partie de ces données sensibles. Les Églises ont besoin d'autorisation spécifiques pour enregistrer de telles informations.
Enfin, Jean Duffar expose la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'homme. L'arrêt Kokkinakis du 25 mai 1993 censure la Grèce qui avait condamné un témoin de Jéhovah pour "prosélytisme" (violation de l'article 9 de la Convention). L'arrêt Hoffmann du 26 juin 1993 censure l'Autriche : suite à un divorce, la Cour suprême autrichienne avait confié les enfants au père parce que la mère s'était convertie aux Témoins de Jéhovah (violation des articles 8 et 14 de la Convention).
On le voit, ce premier numéro est très riche. Pour certains pays, il n'y avait manifestement rien ou pas grand chose à dire, mais l'auteur était tenu de rendre tout de même son rapport ; le second numéro, à paraître en 1995, sera sans doute plus ciblé. L'objectif est en tout cas pleinement atteint : donner les éléments d'information sur le droit des religions dans l'Union européenne, de la façon la plus exhaustive possible. Nous souhaitons bonne chance et longue vie à cette nouvelle revue, qui ne manquera pas d'intéresser juristes et canonistes.

Jean WERCKMEISTER

Rafael Rodríguez-Ocaña, Forma jurídica y matrimonio canónico, EdicionesUniversidad de Navarra, Pampelune, 1997 (Colección canónica), 220 p.

Le nouveau volume de la Collection canonique des éditions de Navarre rend compte du XXe Cours d’actualisation des connaissances en droit canonique proposé par l’Université de Navarre les 18-20 septembre 1996 et consacré à la forme juridique du mariage canonique. D’apparence assez technique, ce sujet dirigé par Rafael Rodríguez-Ocaña (Facultéde droit canonique de Navarre) se trouve en fait au croisement de différentes questions essentielles du droit matrimonial de l’Église, à savoir le consentement, le sacrement, la compé­tence juridictionnelle de l’Église en cette matière, le statut juridique du mariage etc. Suivant l’ordre « biologique » de la formation et du développement du lien conjugal, Feliciano Gil de las Heras com­mence par traiter de la préparation au mariage en soulignant l’inculture que manifestent aujourd’hui la vie de couple hors mariage ou le choix d’en rester au mariage civil, la séparation conjugale, le divorce et la négation de l’indissolubilité du mariage, et, plus classi­quement, les anomalies psychiques et l’immaturité affective ou l’obtention de plus en plus facile de la nullité. L’auteur suggère des moyens essentiellement pastoraux pour corriger cette « inculture » (une publication vigilante des bans, un réel examen des futurs époux, des cours suivis de préparation au mariage, bref une véritable préparation au mariage telle que la préconisait déjà Familiaris consor­tio). Les deux articles suivants précisent les normes relatives à la forme canonique du mariage secret (Javier Ferrer Ortiz) et à celle des mariages entre catholiques et non catholiques (Juan Fornés). L’ouvrage aborde ensuite un certain nombre de problèmes qui se posent quant à la forme canonique du mariage à propos des formulations maintenant bien connues de « l’abandon notoire de la foi catholique » et de « la sortie de l’église par un acte formel » (Tomas Rincón-Pérez), et à propos des conditions de la délégation de la faculté d’assister aux mariages (Francisco López-Illana), avant de faire le point sur le procès documentaire pour défaut de forme légi­time (Santiago Panizo Orallo). Une dernière contribution de Joa­quin Llobell traite enfin de la juridiction de l’Église sur les mariages qui ne sont pas soumis à l’obligation de la forme canonique, discu­tant tout particulièrement la faculté du pape de dissoudre un lien matrimonial valide en « faveur de la foi ». L’ensemble des sujets sont traités avec prudence, rigueur et force références qui permettront l’actualisation de l’étude canonique du mariage. L’ouvrage comporte un index de plus de 280 auteurs cités.

Jean-Luc Hiebel

 

Philippe ROUILLARD, Histoire de la pénitence des origines à nos jours, Paris, Éd. du Cerf, 1996, 210 p. [ISBN 2-204-05405-4 ; 140 F].

Ce petit ouvrage est un livre d'initiation à l'histoire de la pénitence. Il n'est pas destiné au spécialiste, mais au grand public, qui y trouvera une présentation rapide des grandes étapes de ce qu'on appelle aujourd'hui le "sacrement de la pénitence et de la réconciliation" : les origines néotestamentaires ; le système de l'excommunication-réconciliation (IIe-VIe siècle) ; la pénitence tarifée (VIe-XIIe siècle) ; les formes extraordinaires du Moyen Âge (confession à Dieu, aux laïcs, pèlerinages, année sainte) ; de Latran IV à Trente (XIIIe-XVIe siècle) ; le concile de Trente et ses lendemains (XVIe-XVIIIe siècle) ; de la Révolution française à Vatican II ; de Vatican II à aujourd'hui.
Deux chapitres supplémentaires élargissent l'enquête aux Églises orientales (Grèce, Russie, Égypte) et aux Églises issues de la Réforme, y compris la communion anglicane.
Un des intérêts du livre est qu'il est constitué pour un bon tiers de documents : textes bibliques, extraits du Pasteur d'Hermas, de Tertullien, de Cyprien, de la règle bénédictine (le père Rouillard est bénédictin), de divers pénitentiels, de conciles, de saint Thomas d'Aquin, de François de Sales, de Chateaubriand, du rituel catholique actuel, du rite byzantin, de pratiques coréennes ou africaines, de formules protestantes, etc. Au total, plus de quatre-vingt témoignages de toutes les époques et de tous les continents. Par exemple, rappelle-t-on, saint Thomas d'Aquin considérait que la confession faite à un laïc, à défaut de prêtre, était "d'une certaine façon sacramentelle". Le spécialiste regrettera que les références précises de ces citations manquent souvent ; de même, rares sont les notes de bas de page. Mais chaque chapitre s'achève par quelques indications bibliographiques.
Les conditions de licéïté de l'absolution collective ne sont guère évoquées, et les controverses qu'elle a suscitées sont passées sous silence, ainsi que les précisions apportées par le code de 1983 (qui n'est mentionné qu'une fois dans tout le livre).
Le but pédagogique poursuivi par P. Rouillard est cependant largement atteint. Signalons tout de même un anachronisme : selon l'auteur, la pénitence et l'absolution données par les moines irlandais, aux VIe et VIIe siècles, n'étaient pas sacramentelles parce que les moines n'étaient pas prêtres ; "en passant d'Irlande en Gaule ou en Italie, en passant du monastère à la maison du prêtre, le système pénitentiel devient entièrement sacramentel" (p. 46). N'est-ce pas là une notion qui n'apparaîtra que bien plus tard, au XIIe siècle ?

Jean WERCKMEISTER

Madeleine RUESSMANN, Exclaustration. Its nature and use according to current law, Editrice Pontificia Università Gregoriana, Roma, 1995 (Tesi Gregoriana, Serie Diritto Canonico n. 1), 550 p. [ISBN 88-7652-682-X, US $ 35,00].

L'étude est une thèse défendue par sœur Ruessmann à la Faculté de droit canonique de l'Université Pontificale Grégorienne de Rome. Elle se compose de deux parties. La première partie (p. 15-279) est constituée par un exposé détaillé des règles canoniques concernant l'exclaustration, tandis que la deuxième partie est une analyse de toutes les demandes d'exclaustration qui ont été soumises à la Congrégation des Instituts de Vie consacrée et des Sociétés de Vie Apostolique pendant l'année 1988. Après les conclusions générales (p. 443-458), suit un appendice (p. 459-530) contenant 66 tableaux où les données de l'analyse de la deuxième partie sont rassemblées. La bibliographie (p. 531-542) et l'index (p. 543-550) concluent l'étude.
Les qualités de cette thèse résident, selon mon opinion, tout d'abord dans l'interprétation correcte de la réglementation en cause et la présentation et l'analyse de la jurisprudence administrative qui était en usage en 1988 dans la Congrégation précitée.
Cependant, quelques remarques critiques peuvent trouver leur place. L'ampleur du livre donne l'impression que nous avons à faire à deux thèses, bien que les deux soient étroitement liées. Alors que l'ensemble du livre commence avec une General introduction (p. 7-9), la deuxième partie commence par une Introduction to the study (p. 283-287).
Le fait que, dans la bibliographie détaillée, la littérature allemande fait défaut, est également surprenant.
Mon objection principale est de nature méthodologique. Toute thèse commence par la formulation exacte de la question centrale ou principale, or celle-ci fait défaut. L'auteur décrit seulement le but de sa thèse : "To present the law concerning exclaustration, and to discuss the issues in the law ; and to present observations on the practice in exclaustration cases, in order to see how the practice corresponds to or develops the law, and to see what purposes exclaustration is, in fact, serving" (p. 7). La question centrale doit être divisée en questions partielles qui, ensuite, doivent être traitées dans des parties, chapitres et paragraphes distincts. Les conclusions des différentes parties, chapitres et paragraphes doivent répondre aux différentes questions partielles, tandis que la conclusion générale donne la réponse à la question centrale et est un résumé des différentes conclusions partielles. Au point de vue méthodologique, cette étude ne me semble pas être une réussite. Surprenant est le fait que les conclusions de chacune des parties ainsi que les conclusions générales sont des considérations finales plutôt que des conclusions. De plus, elles possèdent, parfois, un caractère évaluatif sans explication des différents critères d'évaluation et sont pourvues de renvois détaillés ce qui, méthodologiquement, n'est pas juste.
De plus, l'étude me semble, à certains endroits, assez théorique. Un des exemples est le commentaire sur les conséquences de l'exclaustration pour le vœu de pauvreté, aux p. 452-453, où seules des conséquences négatives sont décrites. En pratique, l'expérience la plus fréquente de l'exclaustré(e) est qu'il/elle découvre subitement combien la vie dans une communauté religieuse est à tous égards sans souci, tandis que comme exclaustré(e), il/elle doit s'occuper de beaucoup de choses et il/elle va prendre conscience de ce que sont la sobriété et la pauvreté.
Une dernière remarque : en considérant une seule année de jurisprudence administrative, même si elle concerne 223 affaires de l'Église universelle, il me semble difficile de tirer des conclusions qui dépassent l'année concernée.

Peter STEVENS