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Les "cas réservés" - Varia, (n° 65/2, 2015)  

RÉSUMÉS

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Arnaud Fossier, Le droit d'absoudre. Concurrences juridictionnelles et communication des fors (v. 1130 - v. 1320), RDC 65/2, 2015, p. 265-291.

La «réserve» d'absolution, consistant pour le souverain pontife à garder par devers soi la levée de certaines excommunications, fait son apparition dans les années 1130. D'abord liée au «sacrilège» et à la «lèse-majesté», elle devient l'un des principaux instruments de la plenitudo potestatis pontificale. Les évêques d'Occident tâchent alors de redéfinir leur champ d'action, en usant du même instrument: la réserve et le pénitencier épiscopaux font ainsi leur apparition dans le premier quart du 13e siècle. Les statuts synodaux français, anglais et italiens révèlent cependant l'ambiguïté de cette réserve épiscopale et ouvrent de nouvelles perspectives sur l'histoire des «fors». À la fin du 13e siècle, il apparaît en effet de plus en plus clairement que la multiplication des «cas réservés» sert à protéger la juridiction épiscopale du domaine d'action pénitentiel, devenu envahissant, des prêtres et des Frères Mendiants.

Véronique Beaulande-Barraud, Les cas réservés dans les statuts synodaux de la province ecclésiastique de Reims, 13e-14e siècles. Essai d'analyse d'une catégorie canonique, RDC 65/2, 2015, p. 293-312.

Les cas réservés sont étudiés ici tels que les statuts synodaux des diocèses de la province ecclésiastique de Reims les présentent jusqu'au milieu du 14e siècle. Si cas pontificaux et cas épiscopaux sont traités, l'importance relative des premiers est atténuée par cette documentation, qui met en valeur la juridiction épiscopale et occulte la concurrence qu'elle subit avec l'affirmation de la plenitudo potestatis pontificale. Les cas réservés apparaissent comme des péchés «énormes», des crimes, qui mettent en péril l'ensemble du corps ecclésial. Ils sont liés mais non confondus avec les péchés nécessitant une pénitence solennelle et/ou provoquant une excommunication.

Élisabeth Lusset, Confession, absolution des péchés et levée des censures. Les cas réservés chez les Cisterciens et les Chartreux (12e-15e siècles), RDC 65/2, 2015, p. 313-333.

Tout en faisant de l'abbé cistercien et du prieur cartusien l'unique détenteur du pouvoir d'absoudre ses religieux, en particulier pour les péchés les plus graves, les droits cistercien et cartusien définissent certains cas comme «réservés» au chapitre général ou au chef d'ordre. La réserve de l'absolution des péchés et des censures ecclésiastiques pour certains crimes permet aux instances supérieures de ces deux ordres religieux d'affirmer leurs prérogatives juridictionnelles sur leurs membres. L'article analyse la progressive définition d'un droit de réserve du supérieur et l'articulation de cette réserve avec celle des instances supérieures de l'ordre et celle du pape.

Émilie Rosenblieh, Les cas réservés et le pouvoir de dispense du pape au temps de la crise conciliaire (1ère moitié du 15e siècle), RDC 65/2, 2015, p. 335-359.

Les débats sur le pouvoir de dispense et les cas réservés à l'absolution du pape sont, ici, étudiés dans le contexte critique de la première moitié du 15e siècle, lorsque l'autorité conciliaire contesta la monarchie pontificale au nom de la réforme de l'Église. Le Concile de Constance (1414-1415) envisagea de renforcer le pouvoir métropolitain en matière de grâce et le décret De dispensationibus restreignit les possibilités de dispense pour les bénéficiaires de prélature. Le pape Martin V (1417-1431) accepta de soumettre son pouvoir de dispense au contrôle des cardinaux ou des évêques. L'audace réformatrice du Concile de Bâle (1431-1449) tint moins à sa législation qu'à sa pratique, l'assemblée concédant des grâces dans toute la chrétienté latine. Face à cette contestation pratique, les partisans de la papauté réaffirmèrent la grâce pontificale dans toute sa souveraineté.

Loïc-Marie Le Bot: Étude canonique sur l'appartenance du Pontife romain à un institut religieux, RDC 65/2, 2015, p. 363-376.

Si le statut du religieux élevé à l'épiscopat est réglementé par le Code de droit canonique de 1983 (can. 705-707), celui du Pontife romain appartenant à un institut religieux ne l'est pas. Il est bien prévu que l'évêque religieux reste membre de son institut, mais les obligations et les droits du religieux sont aménagés en raison du ministère épiscopal. En revanche, la législation est lacunaire sur les obligations et droits du Pontife romain appartenant à un institut religieux. Il est difficile de préciser ce statut en raison de l'absence de définition synthétique du statut personnel du Pape dans la législation canonique. Ici, on recourra à l'analogie avec le statut de l'évêque religieux sans négliger l'enseignement de l'histoire du droit canonique pour proposer une description de ses obligations et de ses droits.

Pierre-Marie Berthe: Les enjeux d'un débat: comment écrire l'histoire du Concile Vatican II?, RDC 65/2, 2015, p. 377-407.

L'Histoire du Concile Vatican II publiée entre 1995 et 2001 sous la direction de Giuseppe Alberigo occupe une place importante dans la bibliographie sur le Concile. Plutôt bien accueilli dans le monde universitaire, l'ouvrage a été fortement critiqué et jugé même idéologique par Mgr Agostino Marchetto. En réalité, les travaux historiques de G. Alberigo et de Mgr Marchetto présentent deux visions divergentes du Concile qui méritent d'être confrontées. Le débat cache de nombreux enjeux: quelles sont les exigences d'une démarche scientifique? Peut-on écrire aujourd'hui une histoire parfaitement objective du Concile? Qu'implique au plan historique l'herméneutique de la continuité? Quels sont les liens entre théologie et histoire? Et surtout, comment porter un regard juste sur l'Église qui reste pour le croyant un mystère?

Maria Chiara Ruscazio: Quelques réflexions canoniques à propos de l'objection de conscience du fonctionnaire public, RDC 65/2, 2015, p. 409-439.

Avec la sécularisation progressive de la société occidentale, les normes étatiques entrent de plus en plus en concurrence avec les impératifs de l'ordre ecclésial au regard de l'obéissance qu'ils exigent de la part du «citoyen-fidèle». La difficulté de cette double allégeance se manifeste de façon paradigmatique dans le cas de l'objection de conscience du «fidèle-fonctionnaire public». Face au refus du droit étatique de reconnaître le droit d'objection de conscience du fonctionnaire, la tolerantia canonique peut fournir une solution, quoi qu'imparfaite.


Arnaud Fossier, The right to absolve. Jurisdictional opposition and forum communication (circa 1130-1320)., RDC 65/2, 2015, p. 265-291.

The absolution «reservation», which entitles the Supreme Pontiff to keep to himself the right to lift some excommunications, appeared in 1130. After being at first associated with «sacrilege» and «lèse-majesté», it became one of the main instruments of Pontifical plenitudo potestatis. Western bishops then strove to redefine their scope of action by using the same instrument: the episcopal reservation and penitentiary thus made their appearance during the first quarter of the 13th century. However, the French, English and Italian Synod statutes revealed the ambiguity of this episcopal reservation and opened new perspectives on the history of «forums». At the end of the 13th century, it appeared increasingly clear that the proliferation of «reserved cases» served to protect the episcopal jurisdiction from the field of priests' and mendicant friars' penitential actions, which had become intrusive.

Véronique Beaulande-Barraud, Reserved cases in the synodal statutes of the ecclesiastical province of Reims, 13th-14th centuries. Test analysis of a canonical category, RDC 65/2, 2015, p. 293-312.

Reserved cases are discussed here as they are presented by the synodal statutes of the dioceses of the ecclesiastical province of Reims until the mid-14th century. Both pontifical and episcopal cases are tackled, but the relative importance of the former is mitigated by this documentation, which emphasizes episcopal jurisdiction and occults its opposition with the Pontifical plenitudo potestatis. The reserved cases appear to be «huge» sins, or crimes that endanger the entire ecclesial body. They are linked, but not combined with sins requiring solemn penance and/ or leading to an excommunication.

Élisabeth Lusset, Confession, absolution of sins and lifting of censorship. Reserved cases among the Cistercians and Carthusians (12th-15th centuries), RDC 65/2, 2015, p. 313-333.

While the cistercian and carthusian rules gave cistercian abbot and carthusian prior the sole power to absolve their clergy -especially for the most serious sins- they defined some cases as «reserved» for the general chapter or the head of the order. The absolution reservation of sins and ecclesiastical censure for particular crimes enables the higher bodies of these two religious orders to assert their judicial powers over their members. The article analyzes the progressive definition of a superior's right of reservation and how the latter is positioned with that of the order's higher bodies and the pope.

Émilie Rosenblieh, The reserved cases and the Pope's exemption power at the time of conciliarism (first half of the 15th century), RDC 65/2, 2015, p. 335-359.

The debates on the power of exemption and the reserved cases for absolution by the Pope are studied here in the critical context of the first half of the 15th century, when the conciliar authority challenged the papal monarchy in the name of the Church's reform. The Council of Constance (1414-1415) envisaged to strengthen the metropolitan authority regarding pardon, and the De dispensationibus decree restricted exemption possibilities for prelature beneficiaries. Pope Martin V (1417-1431) agreed to have his exemption power controlled by cardinals or bishops. The reforming audacity of the Council of Basel (1431-1449) derived more from its practice than its legislation, as the assembly granted pardon throughout Latin Christendom. Faced with this practical challenge, supporters of the papacy reasserted papal pardon in all its sovereignty.

LoÏc-Marie Le Bot: Canonical study of the Roman Pontiff's affiliation with a religious institute, RDC 65/2, 2015, p. 363-376.

The status of clergy elevated to the episcopate is regulated by the Code of Canon Law of 1983 (Can. 705-707), unlike that of the Roman Pontiff belonging to a religious institute. It is expected that the religious bishop remains a member of his institute, but the obligations and rights of the religious are arranged in accordance with the episcopal ministry. However, the legislation is silent on the obligations and rights of the Roman Pontiff belonging to a religious institute. It is difficult to specify this status due to the absence of synthetic definition of the Pope's personal status in the canonical legislation. Here, we will resort to analogy with a religious bishop's status along with the teaching of the history of canon law in order to provide a description of its obligations and rights.

Pierre-Marie Berthe: The issues of a debate: how to write the history of the Second Vatican Council?, RDC 65/2, 2015, p. 377-407.

The Histoire du Concile Vatican II published between 1995 and 2001 by Giuseppe Alberigo, is featured prominently in the literature on the Council. Although the book was rather well received in the academic milieu, it has been heavily criticized and even deemed ideological by Mgr Agostino Marchetto. In fact, the historical works of G. Alberigo and Mgr Marchetto bring forth two competing visions of the Council that are worth addressing. The debate hides many issues: what are the requirements of a scientific approach? Can we write today a perfectly objective history of the Council? What does the hermeneutic of continuity imply on the historical level? What are the links between theology and history? Above all, how to look fairly at the Church, which remains a mystery for believers?

Maria Chiara Ruscazio: Some canonical thoughts about the public servants' conscientious objection, RDC 65/2, 2015, p. 409-439.
With the gradual secularization of Western society, state standards are increasingly competing with the imperatives of the ecclesial order concerning the obedience demanded from «faithful- citizen». The difficulty of this dual loyalty manifests in a paradigmatic manner in the case of the conscientious objection of the «faithful-public servants». Faced with the refusal of state law to recognize the public servants' right to conscientious objection, canonical tolerantia can provide a solution, albeit an incomplete one.

 

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