Accueil

 

Revue de droit canonique, t. 45/1 (Juin 1995)

RÉSUMÉS

Sommaire 45/1  english summaries

 

Francis MESSNER et Jean WERCKMEISTER, « Les aspects canoniques de l’affaire Gaillot »,

RDC 45/1, 1995, p. 75-82.

Ni la procédure utilisée, ni la nature de la décision prise à l’encontre de l’évêque d’Évreux ne sont exactement connues. Diverses hypothèses sont envisageables : renonciation, transfert, révocation, privation d’office. La plus probable est celle de la révocation ; non pas, comme on l’a dit dans la presse, la révocation ipso iure (can. 194), mais la révocation par décret (can. 192-193). Quant au transfert à Partenia, il ne s’agit pas du transfert d’un office à un autre (le diocèse de Partenia n’existe plus), mais d’un simple transfert de titre. Le canoniste reste perplexe devant le manque de transparence de toute l’affaire ; le motif invoqué (le manquement à la communion) est bien vague, l’évêque d’Évreux n’ayant jamais défendu de position hétérodoxe par rapport au dogme catholique.

 

 

Rik TORFS, « L’affaire Gaillot et la liberté d’expression »,

RDC 45/1, 1995, p. 83-94.

Même dans les sociétés démocratiques, la liberté d’expression n’est pas absolue : elle est limitée par diverses restrictions (sécurité nationale, ordre public, etc.). Elle est encore plus strictement réglementée dans l’Église, pour qui il existe une seule vérité, alors que les sociétés démocratiques admettent une « vérité pluraliste ». Le Code de 1983, s’il reconnaît la liberté d’expression (can. 212 § 3) , n’en indique pas la signification concrète. En Belgique, le traitement du « dossier Devillé » peut servir d’exemple : une distinction a été faite entre Rik Devillé comme auteur d’un livre contestataire, et Rik Devillé comme curé de paroisse. Pourrait-on de même distinguer chez Jacques Gaillot le fidèle qui jouit de la liberté d’expression et l’évêque qui est tenu par sa mission propre ? Une approche juridique correcte de l’affaire Gaillot exige un pesage délicat entre la mission d’un évêque et sa liberté d’expression. Il faut essayer d’interpréter les deux notions de façon convergente. Cet équilibre est malheureusement absent de la note de la Congrégation des évêques, qui ne parle que des devoirs de l’évêque.

  

René METZ, « Brève note sur la destitution d’un évêque concordataire »,

RDC 45, 1995, p. 95-100.

Certains évêques sont nommés, sans autre intervention, par le Saint-Siège. D’autres sont nommés après consultation du pouvoir civil : c’est le cas de la France. D’autres sont élus, généralement par les chapitres cathédraux. Ces trois catégories d’évêques peuvent librement être révoqués par le Saint-Siège, sans que le pouvoir civil ou le collège électoral puisse intervenir. Les évêques de Strasbourg et de Metz, en vertu du concordat de 1801, sont désignés par le Président de la République, et reçoivent de Rome l’institution canonique. Les deux autorités qui ont contribué à leur nomination devraient aussi coopérer pour procéder à leur destitution. Concrètement, le chef de l’État français devrait donner son agrément à la destitution d’un évêque concordataire.

 

 

Jean-Luc HIEBEL, « La médiatisation de l’affaire Gaillot et le droit de l’Église »,

RDC 45, 1995, p. 101-118.

L’affaire Gaillot, telle qu’elle apparaît à travers la médiatisation dont elle a fait l’objet, remet en question le mode de gouvernement de l’Église catholique (autoritarisme contre prophétisme, distinction ordre-juridiction, etc.), ainsi que la communication de l’Église (utilisation des médias, bataille de communiqués...). Le droit canonique est directement en cause : comment appliquer, par exemple, ses dispositions concernant les livres et l’activité éditoriale à un évêque qui publie beaucoup et suscite lui-même une abondante littérature ? Finalement, les médias ont beaucoup cité les canonistes et le droit lui-même : mais se pose la question de la véritable réception de ce droit canonique.

 

 

Marcel METZGER, « Quelle tradition, pour quelle mission ? »,

RDC 45, 1995, p. 119-128.

Les priorités affichées du pontificat de Jean-Paul II sont l’œcuménisme et la nouvelle évangélisation. De ces deux points de vue, l’affaire Gaillot est un gâchis. Les traditions anciennes de l’Église montrent que les procédures concernant les évêques relevaient des synodes locaux, que le dialogue entre les parties était privilégié, que la communication directe des messages était préférée à la diffusion de masse. Les dispositifs communautaires l’emportaient sur l’individualisme. Il faut aujourd’hui adapter les institutions à la situation actuelle de post-chrétienté.

 

 

René HEYER, « Le motif de la communion »,

RDC 45, 1995, p. 129-132.

La communion (koinônia) est un thème théologique, qui n’est pas purement hiérarchique ou fonctionnel ou politique. La communion n’est pas non plus un simple consensus, un équilibre au centre. Elle passe par nos différends, qu’en même temps elle transcende. Le non respect de la communion est donc difficile à apprécier. Il est dangereux en tout cas de confondre l’appel à la communion avec un simple rappel à l’ordre.

 

 

Jacques JOUBERT, « De la primauté dans l’Église conçue comme communion »,

RDC 45, 1995, p. 133-140.

La lettre de la Congrégation pour la Doctrine de la foi du 28 mai 1992 « sur certains aspects de l’Église conçue comme communion » éclaire les motifs de la sanction prise contre Mgr Gaillot. Cette lettre présente l’Église universelle comme première par rapport aux Églises particulières : la primauté pontificale et le collège épiscopal sont « intérieurs à toute Église particulière ». Le rôle de chaque évêque dans son diocèse est ainsi minimisé. Restent la question de la distinction entre les fonctions primatiale et patriarcale du pape, et celle du respect de la diversité dans l’Église. À partir de quand la communion est-elle rompue ? Lorsqu’il y a apostasie, hérésie ou schisme, certes ; mais aussi, selon la lettre et selon le Code, lorsqu’il y a « refus de soumission au chef de l’Église ».

 

 

Solange WYDMUSCH, « La réception de l’affaire Gaillot auprès des protestants français. Étude de la presse protestante française »,

RDC 45, 1995, p.141-146.

La Fédération protestante de France a réagi en rappelant l’existence d’un christianisme non romain, et en insistant sur le fait que la foi n’est pas unificatrice mais accepte les divergences. Pour le pasteur Stewart, la décision contre Mgr Gaillot « n’est pas compatible avec l’esprit évangélique ». Les commentateurs comprennent mal comment Mgr Gaillot peut rester évêque, membre du magistère, s’il a failli à la communion ou s’il a enseigné des erreurs.

 

 

Richard PUZA, « Les échos de l’affaire Gaillot en Allemagne »,

RDC 45, 1995, p. 147-149.

L’affaire Gaillot a connu un large retentissement en Allemagne. Mgr Gaillot lui même s’est exprimé à la télévision bavaroise. Les réactions ont été scandalisées chez beaucoup de théologiens. Du point de vue canonique, on s’est interrogé sur le manque de transparence de la procédure, sur les possibilités pour un évêque de se défendre (inférieures à celles des curés, pour lesquels une procédure existe), sur la jurisprudence en la matière, et sur le statut actuel de Mgr Gaillot.

 

 

Hervé LEGRAND, « L’Affaire Gaillot, un analyseur ecclésial ? »,

RDC 45, 1995, p. 151-162.

L’affaire Gaillot peut être considérée comme un analyseur ecclésial. On peut l’envisager sous deux aspects. Sous l’aspect des relations Église/monde (cf. Gaudium et Spes), l’affaire Gaillot montre que la société moderne, travaillée par la question de l’exclusion et par la recherche de nouvelles normes éthiques, est moins indifférente qu’on ne le dit au témoignage des chrétiens, à condition que l’Église accepte le débat public et le débat à l’intérieur d’elle-même. Sous l’aspect interne (cf. Lumen Gentium), l’affaire Gaillot révèle des attentes et des incompréhensions concernant les rapports évêque-diocèse, la collégialité et la synodalité, permet de découvrir l’émergence d’un corps de diacres, pose des questions œcuméniques essentielles.

 

 

Jean DEPREZ, « Les évolutions actuelles du droit international privé dans le domaine du droit familial en relation avec les convictions religieuses »,

RDC 45, 1995, p. 7-40.

Le statut personnel des étrangers est régi en France par leur loi nationale, qui peut être d’inspiration religieuse (droits musulmans, juifs, chrétiens, etc.). Cependant, la loi française, ou le juge, peut refuser l’application de telle ou telle règle religieuse du statut étranger, au nom de principes fondamentaux du droit français telle la liberté de conscience. La construction française repose sur une philosophie des libertés. C’est cette inspiration qui permet la solution des problèmes très actuels nés de la rencontre de l’ordre juridique français avec, par exemple, les systèmes islamiques dont relèvent la plupart des étrangers musulmans en France. Ainsi les étrangers, normalement soumis à leur loi nationale religieuse, peuvent néanmoins se marier civilement en France, et cela même si leur loi religieuse prévoit des empêchements. En revanche, les étrangers dont la loi nationale ne connaît pas le divorce ne peuvent l’obtenir des tribunaux français : il n’existe pas de « droit au divorce » qui serait internationalement ou nationalement reconnu. Quant au divorce uniquement religieux (divorce juif, répudiation musulmane), il n’est pas reconnu par le système français s’il intervient sur le territoire français. Les principaux problèmes actuels concernent les étrangers musulmans en France (polygamie, répudiation, éducation des enfants, adoption, filiation, droit de visite, etc.). Par ailleurs, les conventions internationales, telle la Convention internationale sur les droits de l’enfant adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989 qui reconnaît à l’enfant la liberté de pensée, de conscience et de religion, ne manqueront pas d’avoir des incidences par exemple sur la solution des conflits de lois concernant l’autorité parentale.

 

 

Magalie FLORES-LONJOU, « Le statut des édifices cultuels en droit français »,

RDC 45, 1995, p. 41-52.

Trois séries de textes législatifs régissent les cultes : en Alsace-Moselle, le sys- tème mis en place au XIXe siècle (concordat, articles organiques...) ; en Vieille- France, la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905 ; dans les Territoires d’Outre-mer, les décrets Mandel du 26 août 1939. Certains lieux de culte appartiennent à l’État, aux départements, aux communes ou a des établissements publics du culte (domanialité publique), d’autres appartiennent à des associations privées. En principe, l’État assure l’égalité de tous les cultes devant la loi. Les édifices du culte disposent de divers avantages (déductions fiscales, aides à la construction ou à l’entretien). Cependant, les anciens cultes reconnus (catholique, luthérien, réformé, juif) bénéficient, de fait, de certaines préférences : ils sont mieux pourvus en lieux de culte, et obtiennent plus facilement d’en construire de nouveaux. Les cultes plus récemment implantés en France (Islam par exemple) sont souvent déficitaires en lieux de célébration et ont des difficultés à en créer de nouveaux.

 

 

Alexander HOLLERBACH, « Le droit allemand des religions dans le cadre de la réunification »,

RDC 45, 1995, p. 53-62.

La réunification de l’Allemagne (3 octobre 1990) a des conséquences sur le droit allemand des religions, et d’abord pour les deux principales confessions : l’Église protestante et l’Église catholique. La réunification politique s’est faite par intégration (Beitritt) des territoires de l’Est dans la République fédérale. Le droit des religions de la République fédérale s’applique donc automatiquement dans les Länder de l’Est, y compris le Reichskonkordat de 1933, et plus particulièrement le système de coopé- ration et de complémentarité entre Églises et État qui caractérise l’Allemagne. Les Länder de l’Est ont rédigé des constitutions qui tiennent compte de ces relations. Les Églises se sont également réunifiées par un processus semblable au Beitritt. Les Églises protestantes l’ont fait dans l’EKD (Église évangélique d’Allemagne), avec dissolution de la Fédération protestante d’Allemagne de l’Est. Pour les catho- liques, la Conférence épiscopale de RDA a été dissoute et ses membres intégrés dans la Conférence épiscopale allemande. Un nouveau découpage des circonscriptions ecclésiastiques et de nombreuses conventions ou concordats Églises-États sont en cours de préparation. Quelques problèmes subsistent, en particulier celui de l’aumônerie militaire protestante et celle de l’enseignement religieux scolaire.

 

 

Ditlev TAMM, « Les relations Églises-États dans les pays nordiques »,

RDC 45, 1995, p. 63-73.

L’Église suédoise, récemment réorganisée, est structurée de façon relativement autonome par une loi fondamentale datant de 1993. Un Synode de 251 membres démocratiquement élus (y compris les évêques) dirige l’Église, même s’il n’a pas de véritable pouvoir législatif. Cette attribution relève toujours du Parlement national, mais celui-ci peut déléguer son pouvoir au Synode pour les questions internes (ius in sacris). Il reste à régler divers problèmes, dont celui de l’appartenance à l’Église (actuellement, tout citoyen suédois, baptisé ou non, en fait automatiquement partie). Le Danemark a conservé des structures beaucoup plus traditionnelles. Il n’y existe ni Synode, ni organes nationaux ou régionaux qui pourraient assurer une certaine autonomie face à l’État. La Constitution danoise de 1849 avait prévu qu’une loi fondamentale organiserait l’Église sur la base de la liberté de religion, mais cette loi n’a jamais vu le jour. Aussi trouve-t-on toujours au sommet de l’Église la reine, le parlement et le ministre de l’Église. Il n’existe aucune instance représentative propre à l’Église, sauf au niveau paroissial. La constitution norvégienne garantit la liberté de religion, mais la religion évangélique-luthérienne reste religion d’État et le roi et la moitié au moins du gouvernement doivent la professer. Cependant, on tend vers une plus grande autonomie de l’Église, en particulier par la création en 1984 d’un Synode central et d’un Conseil de l’Église, auxquels des compétences nouvelles sont accordées par un État soucieux de décentralisation et de privatisation.

 

 

René METZ, « Chronique : le Droit canonique oriental »,

RDC 45, 1995, p. 163-173.

Depuis la promulgation du nouveau Code des canons des Églises orientales de 1990, de nombreux travaux ont paru : histoire des canons du nouveau Code, traductions italienne et anglaise, index, concordances avec l’ancien Code oriental ou avec le Code latin, commentaires du Code oriental et des institutions du droit oriental, colloque de Bari (1991), nouvelle collection Kanonika.

 

                                    

Retour au sommet de la page

rdc@unistra.fr

 

Revue de droit canonique, t. 45/2 (décembre 1995)

RÉSUMÉS


Sommaire 45/2

english summaries

 

Frédérique GRANET, "La procréation assistée dans la législation récente en France", RDC 45, 1995, p. 211-228.

La France est le pays européen dont la législation est actuellement la plus complète en matière de bioéthique. Les lois n° 94-653 et 94-654 du 29 juillet 1994 traitent du respect du corps humain, et du don et de l'utilisation des éléments et produits du corps humain, de l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal. C'est la procréation assistée qui a absorbé la majeure partie des débats et des polémiques. L'embryon humain n'est pas juridiquement défini : il n'est ni une personne ni une chose. La réglementation des dons de gamètes ou d'embryons s'inscrit dans la philosophie générale des dons d'éléments du corps humain : ce sont des dons, c'est-à-dire des conventions à titre gratuit, sans contrepartie, et consenties dans l'anonymat. Le législateur s'est attaché à définir rigoureusement les formes possibles d'assistance à la procréation, mais aussi quel type de couple y a accès (seules les stérilités thérapeutiques sont admises, à l'exclusion des stérilités naturelles dues par exemple à l'âge) et dans quelles conditions médicales ou morales ils y ont accès (le don est gratuit). De même, il a tranché sur les difficiles questions liées à la filiation, en conservant le principe de l'anonymat du donneur, mais aussi en instaurant un appareil juridique spécifique pour préserver les droits de l'enfant et définir aussi globalement que possible le lien légal des parents à l'enfant.

 

 

Bernard RENAUD, " Procréation humaine et mystère de la vie
dans la Bible ", RDC 46, 1995, p. 229-244.

La compréhension de ce que signifie la procréation dans les textes bibliques est soumise à l'analyse de termes-clés. De la bénédiction " soyez fécond, multipliez-vous ", parole fondatrice comme don divin, naît l'histoire, qui s'accomplit dans les généalogies. Ces successions d'engendrement sont l'accomplissement de la bénédiction initiale, mais aussi la réalisation de l'histoire humaine, tournée vers l'avenir. Aussi, l'enfant est-il accueilli comme don de Dieu et pour l'homme, remède contre la mort ; d'où le caractère de malédiction que pouvait avoir la stérilité. Cependant, la stérilité est plus une épreuve de foi qu'une malédiction définitive. Dans le cadre d'une étude anthropologique de la Bible, la comparaison entre la fécondité animale et celle de l'homme instruit, entre autre chose, sur la mission de l'homme et de la femme sur terre et sur leur responsabilité dans la croissance humaine. Sans être la source de la vie, ils n'en demeurent pas moins l'origine. Par ailleurs, les différentes données anthropologiques du récit biblique eurent des implications importantes dans la culture israélite.

 

 

Jean GAUDEMET, " Mariage et procréation : les aspects historiques ", RDC 45, 1995, p. 245-256.

Pour Augustin, le but du mariage est d'avoir des enfants, condition nécessaire à la perpétuation de l'espèce humaine. La procréation est la première cause finale du mariage, mais elle n'est pas un élément nécessaire du mariage. Augustin condamne l'avortement (à partir du moment où le fœtus est formatum et animatum) et l'infanticide. La doctrine médiévale est dominée d'une façon quasi-exclusive par l'héritage augustinien. La procréation est voulue par Dieu, mais le plaisir est coupable. Ce conflit entre le plaisir, qui est péché, et la génération, qui est un devoir, suscitera une ample casuistique, qui constitue l'essentiel de l'apport médiéval. Huguccio condamne le plaisir, même dans le mariage. Mais cette rigueur extrême est généralement rejetée par les canonistes, en particulier par la glose du Décret, ainsi que par les théologiens, et le premier d'entre eux Pierre Lombard. Abélard se montre en cette manière particulièrement libéral. Le Code de 1917 reprend la même doctrine augustinienne, en distinguant la fin primaire et la fin secondaire. Mais, rompant avec une longue tradition, le Concile ne fait plus mention des tria bona du mariage et se refuse à instituer une hiérarchie de ses fins. On retrouve cette nouvelle doctrine dans les Codes de 1983 et de 1990.

 

 

Olivier de DINECHIN, " Les débats éthiques autour des nouvelles techniques de procréation ", RDC 45, 1995, p. 257-270.

Les nouvelles techniques d'assistance médicale à la procréation sont apparues dans les années 1970. Les débats qui en ont résulté en France depuis vingt ans sont rappelés, avec en particulier la création en 1982 du Comité consultatif national d'éthique (qui considère l'embryon comme un être humain potentiel), et l'adoption en juillet 1994 des lois dites " de bioéthique " (qui ne donnent pas de statut juridique précis à l'embryon). L'AMP (assistance médicale à la procréation) relève de la catégorie morale de l' "acte humain ". La procréation est réalisée par des " gestes décisifs " : prélèvement et rapprochement des gamètes, conservation et transfert des embryons... Le moraliste s'interroge sur les significations de ces gestes nouveaux. Se pose en particulier la question de la paternité et la maternité lorsqu'interviennent des tiers actifs (donneur, médecin, etc.), ainsi que la question du statut des gamètes et des embryons in vitro (y compris en droit canonique : un statut de silence canonique semble plus respectueux de l'énigme de leur condition), et celle du statut du génome (banques d'ADN, manipulations génétiques, etc.).

 

 

Roland SUBLON, " Procréation et paternité ", RDC 45, 1995, p. 271-284.

L'action d'engendrer ou de procréer ne se limite pas au seul processus biologique. Elle fait intervenir une dimension propre à l'espèce humaine : la parole. C'est en ce sens que la procréation se distingue de la reproduction animale. La tradition canonique veut que le mariage soit un moyen en vue d'une fin : la procréation. Mais ce lien entre moyen et fin n'est pas nécessaire : Dieu engendre éternellement le Verbe hors mariage, et Joseph, époux de Marie, n'a pas biologiquement procréé Jésus, dont il est pourtant le père. La procréation humaine n'appartient à aucune de ces catégories : ni engendrement éternel du Verbe, ni simple reproduction biologique. Il faut considérer la notion d'Incarnation. L'engendrement humain peut être entendu comme la rencontre improbable du logos et de la chair. Joseph ne peut prétendre saisir ou récupérer son acte procréateur, ni l'annonce par laquelle il devient père en nommant Jésus : il en va de même de tout père humain. Tout sujet, né de l'union du verbe et de la chair, engendrant un être de même nature et autre que lui, se situe comme Joseph à l'entre-deux. Cet entre-deux est gérable parce qu'il garde une indétermination d'origine et de fin. Dans la mesure où la procréation n'est pas identifiée au réel biologique ou rapportée au seul impératif d'un logos atemporel, mais mêle les deux, un domaine demeure ouvert qui permet l'écriture du droit.

 

 

Jean-Paul DURAND, " Implications canoniques des débats actuels sur la procréation ", RDC 45, 1995, p. 285-298.

Les débats canoniques sur le bonum prolis méritent d'être repris, en particulier depuis la publication de Donum vitae en 1987. Dans une première partie, l'auteur cherche à montrer la pertinence du droit canonique dans les questions d'éthique biomédicale : le droit pénal canonique peut permettre une véritable " médiation canonique " dans ces débats. Par exemple, l'excommunication liée à l'avortement peut permettre à la personne en cause d'entrer dans une démarche de pénitence. Au moment où nous sortons de la " révolution sexuelle ", avec la prise de conscience des dangers venant du SIDA, le moment est peut-être venu de redonner une véritable efficience à ce droit pénal canonique. La deuxième partie approfondit certaines questions du point de vue canonique : insémination artificielle homologue et hétérologue, insémination post mortem, procréation artificielle et filiation légitime ou illégitime (avec la question de l'inscription sur les registres de baptême).

 

 

Jean-François COLLANGE, " La Procréation : un point de vue protestant ", RDC 45, 1995, p. 299-302.

Le point de vue protestant sur la procréation est sensiblement différent du point de vue catholique. Divers documents francophones montrent une conception non " biologisante ", non " vitaliste " de la vie humaine : ainsi, on ne peut dire sans autre que toute vie est sacrée. Il en résulte que la façon de concevoir un enfant peut être considérée comme une " simple parenthèse technique ". L'essentiel est que chaque enfant a besoin d'être " adopté ". La contraception ou la fivette ne pose donc aucun problème aux protestants, l'avortement peut être admis dans les situations de détresse, etc. Il s'agit de promouvoir en premier les droits de l'enfant, et non le droit à l'enfant.

 

 

Isabelle CORPART, " Procréation et filiation ", RDC 45, 1995, p. 303-307.

La procréation et la filiation sont dissociables en droit. On peut procréer sans devenir légalement père ou mère (par exemple en accouchant sous X, en refusant de reconnaître sa paternité, ou lorsque l'établissement de la filiation est impossible...). Inversement, l'adoption donne des parents à un enfant dépourvu de famille, ou ajoute des parents légaux aux parents biologiques ; un homme peut reconnaître un enfant qui n'est pas de lui ; dans les procréations médicalement assistées, on considère comme mère de l'enfant celle qui accouche, bien qu'elle ne soit pas toujours la génitrice ; on peut même intenter une action en recherche de paternité contre celui qui n'est pas le géniteur. Le lien biologique ne prime donc pas.

 

 

Richard PUZA, " Les nouvelles formes de procréation et leurs conséquences sur le droit de l'Église ", RDC 45, 1995, p. 308-310.

En Allemagne, la législation sur les nouvelles formes de procréation est encore peu développée. Mais la déontologie médicale impose des normes assez strictes. Du point de vue canonique, il faudrait trouver une solution aux problèmes posés par la PMA dans la définition nouvelle du mariage selon le concile Vatican II : le mariage comme alliance d'amour et de fidélité, par laquelle la femme et l'homme fondent leur consortium totius vitae. Par exemple, on peut définir nouvellement la stérilité et l'empêchement d'impuissance conformément à cette définition du mariage. En tout cas, il ne faut régler juridiquement que les vrais cas de conflit : la manipulation des embryons n'est pas un problème relevant du droit canonique matrimonial.

 

 

Rik TORFS, " Procréation, bien des conjoints et droit matrimonial : quelques idées sommaires ", RDC 45, 1995, p. 311-315.

Le bonum coniugum inclut nécessairement l'ouverture à la procréation. On peut donc exclure le bonum coniugum sans exclure le bonum prolis, mais pas l'inverse. En théorie, le bonum coniugum et le bonum prolis sont aujourd'hui à égalité. En réalité, le bonum coniugum apparaît comme la fin ultime du mariage, qui inclut tous les autres bona matrimonii.

 

 

René HEYER, " De l'outil à l'artifice : la question technique ", RDC 45, 1995, p. 316-318.

L'intervention médicale dans la procréation se présente généralement comme purement technique, comme un outil artisanal chargé de réparer la nature blessée ou défaillante. Mais l'art médical est aussi artifice, qui a pour fonction de suppléer la nature. Les techniques qui entourent la fécondation et la procréation humaines entrent dans cette seconde catégorie. Les positions du Magistère catholique invitent la médecine à se limiter à son rôle technique de réparation. Refus d'entrer dans le débat contemporain ? Plutôt rappel du fait que la maîtrise de l'homme sur ses propres productions ne le hisse pas de facto au-dessus d'elles, comme un démiurge ou un apprenti sorcier.

 

 

Marcel METZGER, " Publication et réception des textes éthiques du Magistère dans l'Église catholique ", RDC 45, 1995, p. 319-320.

Grégoire le Grand insistait sur l'adaptation du discours de l'Église aux divers auditoires, personnes ou communautés. Les lieux appropriés pour la communication ecclésiale sont aujourd'hui encore le diocèse et la paroisse. Le discours éthique devrait davantage emprunter les mêmes voies.

 

 

Jean WERCKMEISTER, " Les nouvelles formes de fécondation artificielle dans une sentence récente de la Rote ", RDC 45, 1995, p. 321-329.

Les sentences rotales concernant le bonum prolis sont rares. Un sentence récente coram de Lanversin, du 15 juin 1994, concerne un cas de stérilisation volontaire avec dépôt de sperme dans une banque de sperme. Ce qui amène les juges à se demander " si les méthodes nouvelles de fécondation artificielle peuvent, de quelque façon, pénétrer l'objet du consentement matrimonial de façon qu'elles entraînent l'exclusion par un acte positif de la volonté d'un des éléments essentiels du mariage, ce qui le fait contracter invalidement. " De fait, le mariage a été déclaré nul pour exclusion du bonum prolis ex parte viri.

 

 

Cormak BURKE, " Personnalisme et divers aspects de la juriprudence ", RDC 45, 1995, p. 331-349.

Cet article se présente comme une réponse à deux articles publiés en 1994 par la RDC (G. Candelier, " L'exclusion du bonum fidei : une lecture des sentences de la Rote " ; K. Walf, " La fidélité conjugale : droit canonique et traditions "). L'auteur critique, tout comme K. Walf, la distinction entre droit et usage du droit, qui ne doit être utilisée que si les époux renoncent d'un commun accord à l'usage d'un droit. Il se démarque de De Jorio, qui considère le ius in corpus comme objet du consentement matrimonial : le bonum fidei ne se réduit pas à la seule copula carnalis. Il se défend d'être anti-personnaliste, et veut bien intéger le personnalisme et l'anthropologie chrétiennes dans la jurisprudence matrimoniale, " tout en observant les limites que la stricte pensée juridique impose pour que cette intégration soit justifiée et utile ". Ainsi, le bonum coniugium ne doit pas seulement être vu d'un point de vue personnaliste, mais aussi institutionnel. Quant à la communio vitae et amoris, il est difficile de donner un contenu juridique précis à l'amour au sens affectif. C'est pourquoi le Code préfère l'expression consortium totius vitae. Bref, il faut progresser " avec des idées solides ".

 

 

André DAMIEN, " Y a-t-il une politique religieuse en France ? ", RDC 45, 1995, p. 351-372.

Après des siècles de religion d'État, la France connaît depuis 1905 un régime de séparation entre Églises et État, qui est devenu en réalité un système de laïcité-entente cordiale. Ce système est-il encore adapté, alors que se pose le problème des intégrismes religieux, et notamment de l'intégrisme islamiste ? André Damien, conseiller du Ministre de l'Intérieur chargé des cultes, expose son point de vue sur la politique menée par la France en la matière, sur les difficultés et les oppositions qu'elle a rencontrées, et exprime son souhait que de nouveaux " concordats " soient signés entre l'État et les principales religions, dont l'islam.

 

 

Richard PUZA, " La Cour constitutionnelle, la Bavière et le crucifix dans les écoles ", RDC 45, 1995, p. 373-379.

Une famille adepte de l'anthroposophie de Rudolf Steiner demandait de faire enlever les crucifix de toutes les salles d'écoles publiques que fréquentaient ou que devaient fréquenter leurs enfants. Le Tribunal administratif de Bavière, puis la Cour d'appel, refusèrent de lui donner raison. La Cour constitutionnelle fédérale décide le 16 mai 1995 que la mise en place d'une croix ou d'un crucifix dans les salles de classe d'une école qui n'est pas une école confessionnelle, est contraire à la Loi fondamentale. La neutralité ainsi comprise ne signifie cependant pas l'indifférence religieuse de la part de l'État, ni une séparation anticléricale de l'Église et de l'État.

 

 

Marcel METZGER, " Chronique : le droit liturgique ", RDC 45, 1995, p. 381-397.

Chronique de droit liturgique entre 1990 et 1995, qui expose les principales nouveautés en matière d'eucharistie, de célébration dominicale, de baptême, de liturgie des heures, de ministères, de pénitence, de funérailles, de livres liturgiques, etc., et indique quelques pratiques nouvelles pouvant poser des problèmes canoniques. Le récent Code des Églises orientales (CCEO) ouvre la voie d'une conception renouvelée de la notion de sacrement.

Retour au sommet de la page

english summaries

 

rdc@unistra.fr