Le droit a été souvent remis en cause dans l'Église. Pourtant, on ne peut lui échapper, comme le montre l'exemple des Réformateurs. Le droit canonique s'impose à l'historien. L'article montre d'où il vient et comment il s'est formé, depuis son émergence avant l'an 60, puis au temps des persécutions, enfin au grand jour. Sous l'influence du droit romain médiéval, il revêt un caractère de " juridicité " qu'on lui reproche parfois aujourd'hui.
Les recherches historiques sont nécessaires pour les sciences religieuses,
et pour le droit canonique en particulier. Le christianisme, tout comme le
judaïsme, est en effet une religion de l'histoire, de la mémoire ("
Faites ceci en mémoire de moi "), de la fidélité à la Parole de Dieu.
Contrairement aux systèmes démocratiques, le législateur canonique n'est que
l'interprète ou le vicaire d'un autre, Dieu lui-même.
De nombreuses pistes restent à explorer en recherche historique, dans une
compréhension renouvelée : les sacrements, les clercs et les laïcs dans les
communautés, etc.
Il existe cinq rites catholiques orientaux, subdivisés en vingt et une Églises qui regroupent environ quinze millions de fidèles. Une première codification de leur droit, commencée en 1927, ne fut que partiellement promulguée. Le code de 1990 est donc le premier à être complet. Plusieurs particularités du code oriental sont présentées : terminologie, droit pénal, droit matrimonial, principe synodal.
La première réflexion approfondie sur le droit canonique est due à Yves de Chartres, dans son Prologue (vers 1095). Il explique que " vérité " et " miséricorde " ne s'opposent pas : selon les circonstances, il revient aux évêques d'appliquer la loi avec rigueur ou souplesse, pour l'utilité de l'Église et le salut du prochain. Le Prologue présente une théorie complète de la dispense, vue comme mise en œuvre de la miséricorde de Dieu. Pour Yves, seules les lois du Décalogue sont immuables : les autres lois doivent être adaptées aux circonstances.
Les conservateurs apostoliques sont une catégorie de juges délégués, établis par le pape pour défendre les droits et les privilèges de certaines personnes. Les onze papes qui se sont succédé sur le Siège pontifical de 1261 à 1294 n'ont pris aucune disposition législative au sujet des conservateurs apostoliques. L'institution reste pourtant bien vivante en cette seconde moitié du XIIIe siècle. Les papes continuent à accorder des conservateurs en vue d'assurer la protection de personnes physiques ou surtout morales. La procédure judiciaire reste interdite aux conservateurs, mais ils peuvent faire usage d'une procédure simplifiée qu'on appellera plus tard sommaire. Les papes recommandent avec insistance aux conservateurs de ne pas utiliser la procédure judiciaire et de s'en tenir strictement à l'exécution de la mission confiée, sous peine de nullité de leur intervention ; d'autre part, ils leur imposent un délai pour 1'exercice de leur mandat, le plus souvent trois ou cinq ans. Les coupables frappés d'une peine canonique, ainsi que les témoins, ne pourront se pourvoir en appel.
On distingue généralement quatre écoles canoniques : l'italienne (juridique), celle de Munich (théologique), celle de Navarre (juridico-théologique), celle de Concilium (déthéologisation). Cette classification est dépassée : depuis Vatican II, tout le monde admet que le droit canonique ne peut pas être indépendant de la théologie. Mieux vaut prendre en compte les positions concernant des problèmes débattus aujourd'hui. D'autres " écoles " apparaîtraient, qui ne seraient pas fixes, mais variables suivant le problème examiné. Par exemple, la question du munus regendi des laïcs permet de distinguer ceux qui veulent écarter les laïcs de tout pouvoir dans l'Église (Bertrams, Mörsdorf, Aymans, Corecco) et ceux qui sont favorables à l'exercice du pouvoir par les laïcs (Beyer, Erdö, Hervada) : ce qui ne correspond à aucune des écoles classiques. Autre exemple : on pourrait distinguer les auteurs selon leur conception de l'efficience du droit canonique, depuis ceux (théologiens ou historiens) qui nient toute efficience actuelle, jusqu'à ceux qu'un droit inefficient n'intéresse pas.
Les facultés de droit canonique sont régies par divers textes, dont Sapientia christiana (1979). Les canonistes ont un rôle d'enseignement et de recherche. Cette dernière aboutit à former la " doctrine ", qui n'est pas sans influence sur le droit. La recherche, par exemple historique, doit éviter la simple exégèse du code. Le canoniste a pour rôle important de juger de l'opportunité de la loi. Cela suppose que le législateur lui donne les moyens d'étudier comment s'est élaborée la loi, par la publication des archives, et que les tribunaux (en particulier la Signature apostolique) publient leur jurisprudence. Cela suppose aussi la confrontation universitaire des thèses canoniques. La liberté de la recherche doit être assortie d'une autodiscipline des canonistes dans les matières où le magistère demande l'obsequium, particulièrement dans les publications et dans l'enseignement. Enfin, le canoniste a un rôle d'aide au gouvernement des Églises locales et de l'Église universelle, en tant qu'expert ou consultant.
Il existe différents systèmes de hiérarchie des normes en droit canonique. On peut distinguer la hiérarchie selon la production (le législateur supérieur l'emporte sur le législateur inférieur) et la hiérarchie selon la dérogation (la loi particulière déroge au droit général : en ce sens, elle lui est supérieure). Depuis l'abandon du projet de Loi fondamentale de l'Église (L.E.F.), il manquait un organisme de contrôle des normes : l'Église n'a pas de " Cour constitutionnelle ". Depuis Pastor bonus (1988), c'est le " Conseil pontifical pour l'interprétation des textes législatifs " qui a reçu partiellement cette compétence. Mais de nombreuses questions demeurent, en particulier celle du ius remonstrandi (droit de remontrance des évêques contre une loi générale).
Débattre de la terminologie en vigueur en France pour décrire la législation cultuelle au sens large du terme n'est pas un exercice inutile ou un pur jeu de l'esprit. En effet le mot servant à décrire cette matière recouvre des conceptions différenciées des relations Églises/État. Le " droit ecclésiastique " est lié à la tradition gallicane, tandis que " droit civil ecclésiastique " est représentatif d'une tendance valorisant l'identité des institutions catholiques. " Droit des religions " préfigure l'amorce d'une gestion plus moderne, pluraliste et ouverte du phénomène religieux.
Le Staatskirchenrecht allemand est le produit du compromis passé entre les Églises et l'État après le Kulturkampf. Les principes fondamentaux furent proclamés et définis d'abord dans la littérature de droit canonique, spécialement par des auteurs protestants comme Hinschius et Kahl. Comme membre de l'Assemblée nationale de Weimar, Kahl était responsable des définitions de cette Constitution qui font maintenant partie intégrante de la Constitution de Bonn. La coopération entre l'État et les grandes Églises représente une tradition d'un siècle d'histoire allemande, interrompue seulement par les systèmes de dictatures national-socialiste et communiste. Le Staatskirchenrecht allemand a apporté des contributions remarquables à l'intégration de la nation allemande, on peut dire à l'idée d'une nation fondée sur une culture commune (Kulturnation). C'est dans le droit public allemand une zone de stabilité et de continuité qui a ouvert une voie pour la combinaison de la liberté de la foi et de la garantie de l'organisation indépendante des Églises. Les chances pour ce système de survivre dans une Europe future, avec des traditions très diverses dans les relations entre les Églises et l'État, peuvent seulement être en ce moment l'objet d'un pronostic qui est difficile à établir pour l'historien, tandis que le juriste peut trouver une inspiration pour les systèmes juridiques du présent dans les recherches d'histoire du droit.
La recherche sur les rapports entre pastorale et droit canonique se présente comme un va-et-vient. En allant et venant des articles d'un corpus constitué à partir d'une bibliographie automatisée, sur le métier du canoniste, on fait l'inventaire de ce que la pastorale apporte au droit canonique. Les travaux canoniques traitant spécialement la question de ce rapport ont maintenant une histoire dont on peut déjà tirer quelque enseignement. Dans la perspective d'une complémentarité plus active entre théologie pastorale et droit canonique, le métier du canoniste apparaît sous la triple figure de la maîtrise d'œuvre sur le chantier du droit de l'Église, de l'arbitrage des contradictions de la pastorale et de l'interprétation de la doctrine canonique. Il noue ainsi les fils de la science, de l'art et de l'enseignement.
Official d'Annecy, l'auteur expose les questions que suscite la pratique du
travail en officialité. La situation des divorcés remariés est rappelée,
ainsi que la doctrine canonique, telle qu'elle s'est développée au cours de
l'histoire, concernant l'indissolubilité du mariage. La pratique orthodoxe,
bien différente, est rappelée. En tant que praticien, l'auteur exprime
quelques souhaits urgents : que soient créées deux sections dans les
officialités, l'une judiciaire, l'autre pastorale. Cette dernière aurait à
constater la rupture irréversible du mariage et à permettre la réconciliation
sacramentelle des divorcés, leur ouvrant ainsi la porte des sacrements, y
compris d'un nouveau mariage.
Le culte doit être rendu en esprit et vérité, quel que soit le lieu où il est célébré. Les références aux réformateurs (Luther, Calvin, Zwingli, Bucer) montrent bien qu'il y a des sensibilités et des points de vue fort nuancés dans la théologie protestante au sujet des édifices et des lieux cultuels. Mais tous insistent sur le fait que l'Église (l'assemblée) importe davantage que l'église (le bâtiment).
La tâche première du pasteur, selon Luther, est la proclamation de
l'Évangile et l'administration des sacrements. À côté des ministères de
proclamation il existe les ministères de soutien ou de renfort, tels que les
services de diaconie et de gouvernement de l'Église. L'évolution actuelle tend
à valoriser ces autres ministères. Le ministère pastoral doit susciter,
former et coordonner les autres ministères.
L'ordination des femmes pasteurs, depuis quelques décennies, pose un problème
important pour l'œcuménisme.
Les rabbins (" maîtres ") sont des juges, des érudits, des chefs
spirituels et sociaux. Jusqu'au XIXe siècle, ils ne dirigeaient pas les offices
religieux et ne pratiquent pas les mariages ou les enterrements. Aujourd'hui,
ils dirigent la prière, enseignent, assurent l'aumônerie des lycées, etc. En
France, les communautés sont dirigées par un président.
L'article décrit en détail la formation, le recrutement et les fonctions des
rabbins et du Grand rabbin de France.
L'article retrace l'histoire du rabbinat français depuis l'époque de Napoléon jusqu'à aujourd'hui, en passant par la loi de Séparation de 1905 et l'arrivée des juifs d'Afrique du Nord, qui a doublé la population juive de France en 1962.
Il n'y a pas dans l'hindouisme de clergé hiérarchisé. Dans les familles hindoues orthodoxes, le culte est l'affaire du chef de famille, mais il existe aussi plusieurs catégories d'hindous exerçant des fonctions de prêtre à temps plein ou de façon épisodique. On distingue huit différents types d'officiants : chantres, brahmanes, etc. Toute la vie religieuse et sociale des hindous, tout ce qui relève du rituel, tout ce qui a trait au choix, aux devoirs et aux droits des officiants, doit obéir à un ensemble de règles qui relèvent du dharma.
Ibn Abi Zayd al-Qayrawani (922-996) est l'auteur de la Risala, qui résume la doctrine du malékisme, tradition juridique dominante dans l'islam en France. L'imam est chargé de porter la prédication et de gouverner. On distingue l'imamat originel exercé par le Prophète, l'imamat califat exercé par les califes et l'imamat cultuel de présidence de la prière dans les communautés locales. " Imam " signifie " celui qui se tient devant ", en particulier pour la prière, mais sans qu'il s'agisse d'un sacerdoce : l'imam n'a pas de fonction sacrée.
Selon les orientations du Christ et des Apôtres, les communautés chrétiennes se sont considérées dès les origines comme étant elles-mêmes le nouveau Temple, fait de pierres vivantes. Selon les contextes politiques et culturels, elles ont tenu leurs assemblées tantôt dans des maisons particulières, tantôt dans des édifices spécifiques, dont l'architecture et la décoration ont évolué depuis l'époque de chrétienté. Le culte chrétien n'est donc pas lié à des locaux spécifiques, mais lorsqu'il en est pourvu, ces édifices revêtent une très haute signification.
À partir du code de 1983, l'auteur expose la conception catholique de l'ordre et du ministère ; les prescriptions relatives à l'accession à un ministère ordonné (recrutement, formation, modalités de l'ordination, irrégularités, empêchements) ; les prescriptions relatives au ministère proprement dit des évêques, des prêtres et des diacres ; et enfin les prescriptions relatives à la vie des ministres, dans leurs différents états de vie. Le statut du prêtre est un statut extrêmement singulier dans les sociétés contemporaines, mais il est moins homogène qu'il n'y paraît à la seule lecture du code.
Deux grandes notions peuvent être dégagées : celle de lieu de culte et celle de lieu sacré. Le droit actuel distingue les églises, les oratoires, les chapelles et les sanctuaires. Le lieu de culte devient lieu sacré par une dédicace ou une bénédiction constitutive. Son usage est alors réservé au culte, à la piété ou à la religion, bien que l'ordinaire puisse permettre d'autres usages non contraires à la sainteté du lieu. Ce caractère sacré des lieux de culte distingue le catholicisme de beaucoup d'autres religions, mais il tend aujourd'hui à s'estomper. Ainsi, les notions d'immunité et de droit d'asile ont disparu du code de 1983.
La réalité du presbytère, logement du prêtre desservant la paroisse, connaît d'importantes évolutions au regard du dispositif initialement prévu par le droit local d'Alsace et de Moselle. Seuls la moitié des presbytères sont encore occupés par un prêtre. Une solution serait de désaffecter ceux qui ne servent plus. Une solution nouvelle a été proposée en Moselle : un accord signé entre l'évêque et le maire de la commune, dont l'article fournit un modèle.
En droit local alsacien-mosellan, les communes doivent combler les déficits des fabriques paroissiales. En réalité, une ville comme Strasbourg mène une politique plus active : elle a construit des églises, cédé des terrains, garanti des emprunts ; elle accorde aujourd'hui de larges subventions pour éviter les déficits, et elle accepte la maîtrise d'ouvrage des travaux pour permettre la récupération des taxes (TVA). Au total, la ville fait donc largement plus que ses strictes obligations légales.