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Revue de droit canonique, t. 48/1 (juin 1998)

RÉSUMÉS

Sommaire 48/1    english summaries

 

Bernard Paperon, Le divorce dans la tradition hébraïque : les sources talmudiques, 

RDC 48/1, 1998, p. 7-28.

Les écoles rabbiniques commentent la Bible (Dt 24, 1-4). L’École de Chamaï tient à préserver le mariage et n’envisage la dissolution de celui-ci qu’en cas d’adultère. À l’autre extrême, Rabbi ’Aqiba autorise la fin du mariage pour des faits assez anodins. L’École de Hillel  est au milieu : le mari peut divorcer en cas d’adultère, mais aussi pour d’autres fautes graves. La législation s’inspirera essen­tiel­lement de l’avis de Hillel. Les commentaires des richonim tels Maïmo­nide ou Rachi (xie-xve siècles) tentent de concilier ces points de vue, par exemple en distinguant pre­mier mariage et remariage. La fixation défini­tive de la loi se fait au xvie siècle dans le Choulhan ‘Aroukh, qui n’accepte la disso­lution d’un pre­mier mariage que pour adultère (il faut tout faire pour garder la « femme de sa jeunesse ») et qui est plus souple pour la dissolution des secondes noces

 

Rik Torfs, Le droit de la défense dans les procès en nullité de mariage. Quelques réflexions à propos d’un livre d’Ann Jacobs, 

RDC 48/1, 1998, p. 35-57.

Dans son livre (Le Droit de la défense dans les procès en nullité de mariage, Paris, Éd. du Cerf, 1998), Ann Jacobs expose une conception assez restrictive du droit de la défense dans les procédures matrimoniales canoniques. Le but premier de ces procédures, selon elle, est de découvrir la vérité ; il ne s’agit donc pas réellement d’un procès contentieux, et le droit de la défense, qui est un bien privé, doit être relativisé à l’aune du bien public, c’est-à-dire la recherche de la vérité. Cette conception se heurte pourtant aux évolutions de la protection des droits de l’homme dans les systèmes juridiques profanes. Elle promeut aussi une vue idéalisée du droit canonique, parfois éloignée de la réalité des procès matrimoniaux.

 

Jean Werckmeister, L'accès des divorcés remariés aux sacrements, 

RDC 48/1, 1998, p. 59-68.

Contrairement au code de 1917, celui de 1983 ne traite plus des divorcés remariés et en tout cas ne prononce plus aucune peine contre eux. Ce silence du code actuel pose question et demande à être interprété. En vertu du can. 843, l’accès aux sacrements, d’une façon générale, ne doit plus leur être refusé. Il existe cependant l’irrégularité pour la réception du sacrement de l’ordre et l’empêchement de lien qui s’oppose à la réception du sacrement de mariage. Quant à l’eucharistie, le can. 915 apporte certaines restrictions à sa réception, mais il n’indique pas explicitement qui est concerné et il ne peut s’appliquer indistinctement à tous les divorcés remariés. Les ministres de la communion ne paraissent donc pas canoniquement fondés à la leur refuser, sauf en cas de grave scandale.

 

Piet Stevens, La prédication dans le Code de droit canonique. Quelques remarques critiques, 

RDC 48/1, 1998, p. 79-94.

Une analyse détaillée des can. 747 et 756-772 qui traitent de la prédication montre que le vocabulaire utilisé n’est pas très cohérent. La commission de révision du Code a utilisé les sources (Code de 1917, concile Vatican II, etc.) pour chaque canon séparément, sans attention suffisante à sa relation avec les autres canons. Elle a repris les termes théologiques des documents conciliaires sans les adapter aux exigences de la législation. La faiblesse, l’inconsistance et le défaut de clarté de la législation concernant la prédication de la parole de Dieu, tout comme l’absence de normes pénales spécifiques contre des délits dans cette matière, ne correspondent pas à la haute valeur donnée par le Code lui-même à la prédication de la parole de Dieu.

 

Jean-Georges Boeglin, Le statut des communautés religieuses autres que catholique en Italie, 

RDC 48/1, 1998, p. 95-111.

Après avoir présenté les ententes conclues entre l’État italien et différents cultes, l’article étudie le statut des cultes sans ententes, soumis à la législation de 1929-1930. Il examine le problème de l’égalité des diverses confessions et conclut par des considérations sur la « laïcité à l’italienne ». La laïcité, qui fut d’abord une libération de l’emprise confessionnelle catholique, sauvegarde la liberté religieuse dans le cadre d’un régime de pluralisme cultuel. Le système italien pourrait faire école en Europe.

 

Laurent-Marie Pocquet du Haut-Jussé, À propos d’« Église et papauté ». Hommage au P. Yves-Marie Congar,

 RDC 48/1, 1998, p. 113-133.

Reprenant les divers travaux réunis dans l’ouvrage du père Congar « Église et papauté », l’article explore plus particulièrement les notions de populus christianus et d’ecclesia, puis les concepts de ius divinum et de magistère. Enfin, il analyse de façon critique les idées du père Congar sur trois « points chauds » de l’ecclésiologie actuelle : le pape comme patriarche de l’Occident, le rapport entre « romanité » et catholicité, la notion de « réception ».

 

Florea Duta, Nouvelles considérations sur l'identité des théologiens scythes : Jean, évêque de Tomis,

 RDC 48/1, 1998, p. 135.

La Scythie mineure, à la rencontre du monde latin et du monde grec (Roumanie), a connu une belle floraison de théologiens du ive au vie siècles (Jean Cassien, Denys le Petit…). L’identification du théologien Jean, évêque de Tomis, pose de nombreux problèmes. Une étude détaillée des manuscrits et de la situation de la Scythie Mineure à l’époque permet de conclure qu’il faut distinguer deux Jean : le premier, auteur de l’Instructio contre les nestoriens et les eutychiens (publiée en annexe), fut évêque de Tomis au ve siècle ; il ne faut pas le confondre avec un second Jean (peut-être Maxence Jean), qui fut évêque de Tomis au vie siècle.

 

 

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Revue de droit canonique, t. 48/2 (décembre 1998)

RÉSUMÉS

Sommaire 48/2  english summaries

 

Peter Landau, Hommage à Rudolf Weigand, 

RDC 48/2, 1998, p. 227-232.

Rudolf Weigand, professeur de droit canonique et d’histoire du droit canonique à l’université de Wurzbourg, est mort le 21 juin 1998. Spécialiste de la glose du Décret de Gratien, il a aussi préparé l’édition de la Summa Lipsiensis et de deux sommes d’Honorius. Ses travaux ont porté également sur le droit matrimonial médiéval et sur la théorie du droit canonique (en particulier le droit naturel), ainsi que sur l’histoire locale de la Franconie. Il restera comme l’un des plus grands historiens du droit canonique du xxe siècle.

 

Peter Landau, Burchard de Worms et Gratien : à propos des sources immédiates de Gratien, 

RDC 48/2, 1998, p. 233-245.

Les sources principales de Gratien sont la Panormie, la Tripartite, Anselme de Lucques, le Polycarpus, la Collection en Trois Livres. L’auteur avait montré en 1981 que Gratien, contrairement à l’opinion reçue jusque là, n’a pas utilisé le Décret de Burchard. Cette conclusion doit aujourd’hui être revue : Gratien (version courte) a sans doute utilisé Burchard, mais très peu, dans une dizaine de canons au plus. L’étude détaillée de ces canons permet de se faire une idée précise du type de manuscrit de Burchard que Gratien avait sous les yeux. Pour l’instant, un seul manuscrit (Vat. Lat. 1355) a été trouvé qui présente toutes les caractéristiques requises. Des études complémentaires restent nécessaires pour déterminer s’il s’agit du manuscrit que Gratien a eu en mains.

 

Jean Gaudemet, Les sources du Décret de Gratien,

 RDC 48/2, 1998, p. 247-261.

Dans cet article, par « sources » on entend les autorités citées dans le Décret : 979 textes patristiques, 762 canons conciliaires, 726 décrétales pontificales, 239 textes séculiers (compte non tenu du De consecratione et du De penitentia). Ces textes sont souvent regroupés par séries (par ex. 28 textes patristiques dans la C. 32), séries tirées le plus souvent de collections antérieures (Panormie ou Tripartite). Les attributions sont parfois volontairement modifiées ; ainsi, de nombreux canons conciliaires sont attribués non au concile qui les a votés, mais au pape qui a présidé le concile.

 

Pierre Racine, Bologne au temps de Gratien,

 RDC 48/2, 1998, p. 263-284.

Après une présentation des évolutions sociale, politique et culturelle de la ville de Bologne, marquées par la personnalité de la comtesse Mathilde, au cours de la première moitié du xiie siècle, l’auteur décrit le développement du notariat et aborde les problèmes de l’apparition des écoles de droit et de droit canonique et la lente émergence de l’université.

 

Anders Winroth, Les deux Gratien et le droit romain,

 RDC 48/2, 1998, p. 285-299.

La découverte de la première version du Décret de Gratien éclaire la question de l’enseignement du droit à Bologne au xiie siècle. Gratien 1, au cours des années 1130, ne connaissait guère le droit de Justinien ; Gratien 2 (vers 1150) paraît beaucoup mieux formé en droit romain et n’hésite pas à corriger Gratien 1. Pour expliquer cette méconnaissance du droit de Justinien par Gratien 1, il faut admettre que, contrairement aux idées reçues, ce droit ne fut pas enseigné par Irnerius dès le début du xiie siècle, mais plutôt par Bulgarus au milieu du xiie siècle. Dans les années 1130, l’école de droit romain à Bologne n’en était qu’à ses balbutiements. Elle connut un développement très rapide, dont témoignent Gratien 2 et ses disciples tel Rufin.

 

Jean Werckmeister, Les deux versions du « De matrimonio » de Gratien,

 RDC 48/2, 1998, p. 301-316.

La découverte récente, par Anders Winroth, d’une version courte permet de mieux comprendre la genèse du Décret, malgré les problèmes de datation non résolus. Dans les Causes 27 à 36 qui forment un traité du mariage, la pensée du premier Gratien apparaît comme bien structurée, exposée avec clarté et concision. Les obscurités sont généralement dues à l’ajout de petites additions par le second Gratien. Mais ces ajouts ne sont pas faits au hasard : le second Gratien défend lui aussi une doctrine ou des positions, qui sont parfois nettement différentes de celles du premier Gratien. Il paraît donc certain que les deux versions ont des auteurs différents.

 

Pierre Nobel, La traduction médiévale du Décret de Gratien,

 RDC 48/2, 1998, p. 317-347.

Le manuscrit 9084 de la Bibliothèque royale de Bruxelles contient une traduction en ancien français du Décret de Gratien. Le ms. de Bruxelles peut être daté de ca. 1280, mais il ne s’agit pas de l’original. La traduction elle-même est donc plus ancienne. L’éditrice du ms., Mme L. Löfstedt, l’attribue à Thomas Becket († 1170), mais ses arguments ne sont pas suffisamment convaincants. Il faut plutôt dater la traduction du xiiie siècle et lui attribuer probablement une origine picardo-normande. Il s’agit d’une traduction intégrale, mais sans les paleae. Le travail est de très bonne qualité, dans un style concis et simple. Le traducteur devait être un clerc parfaitement bilingue, sans doute un canoniste, qui écrivait pour des lecteurs laïcs ignorant le latin.

 

René Heyer, Aspects temporels dans la formation du lien matrimonial chez Gratien,

 RDC 48/2, 1998, p. 349-361.

Gratien distingue deux étapes dans la formation du mariage : l’échange des consentements et la consommation. Cependant, ce ne sont pas ces deux étapes qui importent en tant que telles, mais plutôt le fait que le temps intervient dans le processus. Par ailleurs, dans la réflexion dialectique de Gratien, les deux étapes ne sont pas interchangeables. Le consentement, qui est lui-même le terme d’un premier processus de maturation, s’exprime au présent (verba de praesenti) et engage le mariage. L’étape de la consommation est différente : dans la doctrine qui l’emportera officiellement, la consommation ne forme pas le mariage, mais le rend indissoluble… sauf exception.

 

Jean Werckmeister, Les études sur le Décret de Gratien : essai de bilan et perspectives,

 RDC 48/2, 1998, p. 363-379.

La nouveauté la plus importante est la découverte de la version courte du Décret. Les deux versions ont-elles le même auteur ? Probablement pas. À quelle date les deux versions ont-elles été rédigées ? Les avis divergent. La question des sources du Décret reste difficile à élucider, en attendant la publication des collections utilisées par Gratien (Panormie, Polycarpus, Tripartite, Collection en Trois Livres, mais aussi Décret de Burchard). Dans l’immédiat, il faut souhaiter la publication rapide de la version courte du Décret.

 

Alphonse Borras, Remodelage paroissial et mariage religieux,

 RDC 48/2, 1998, p. 381-414.

Le remodelage paroissial en cours appelle quelques réflexions sur la pastorale du mariage, l’enquête canonique et la célébration du sacrement. Ce remodelage prend des formes diverses. Il faudra garder la « proximité » avec les paroissiens, former théologiquement et canoniquement les « chargés d’office » laïcs, etc. Se pose aussi la question du ministre du mariage et celle des registres. L’enjeu majeur est de garder la dimension ecclésiale du sacrement du mariage, contre les risques de « privatisation ».

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